Anecdotes
Anecdotes 2è arrondissement

 02/0053 Les décrotteurs

Les passages couverts de Paris furent construits pour abriter les Parisiens des intempéries et des embarras de la rue. Ils pouvaient y trouver tous les commerces de luxe, les modistes, chapeliers et autres bijoutiers, et bien d’autres encore.  Dans un cadre agréable, chauffé,  lumineux, éclairé par des becs de gaz et bénéficiant de la clarté extérieure grâce aux élégantes verrières qui composaient la toiture, les badauds s’y pressaient. Mais il fallait bien de temps en temps traverser un boulevard ou une rue pour passer d’un passage couvert à un autre. Et c’est là qu’intervenaient les décrotteurs. Ceux du passage des Panoramas étaient réputés.  Paris, Lutétia (littéralement « Ville de boue ») pour les Romains, ne faillissait pas à sa réputation. Peu de rues étaient pavées, et une boue fangeuse envahissait les chaussées. Ah ! Si les décrotteurs n’avaient pas existé !

02/0054 Un coup bien malheureux

Toujours passage des Panoramas, se déroula un fait divers tragique, en 1818. Une maison de jeu, installée au premier étage du passage (il n’en existait alors que neuf dans tout Paris, dont quatre au Palais-Royal) accueillait les téméraires en mal d’émotions fortes. L’un d’eux, un dénommé Warrin, perdit toute sa fortune sur un coup malheureux. Pris de panique, fou de rage, il assassina son ami, chapelier des lieux.

02/0055 Le bagnard repenti

La galerie Vivienne, qui porte le nom d’un bourgeois habitant du quartier au 17è siècle, abrita un bien curieux résident. Il logea au n°13, où il s'installa en 1840. C'est ici que vécut celui que Napoléon 1erchoisit comme chef de la Sûreté : François Vidocq. Ancien bagnard, intelligent et connaissant parfaitement le monde de la pègre, l’Empereur, qui savait dénicher les talents, avait compris que Vidocq, grâce à ses connaissances, ne tarderait pas à organiser des réseaux d’informateurs, très précieux pour assurer la stabilité intérieure de l’Empire et déjouer les attentats. Vidocq fit merveille dans sa tâche, qu’il accomplit avec zèle.  Il ne fut révoqué qu'en 1832, soit 17 ans après la chute de l'Empire ! Une légende tenace prétend qu’un souterrain reliait son appartement de la galerie Vivienne au Palais-Royal, ce qui expliquerait ses disparitions aussi soudaines qu’inexpliquées. A ce jour, aucun souterrain ni passage secret n’a été mis à jour. 

02/0056 Le cocotier lumineux

La galerie Colbert a eu chaud... En fait, vous n'auriez peut-être jamais eu l'occasion de la connaître, et de l'admirer, si elle n'avait pas été reconstruite à l'identique, avec une hauteur sous plafond réduite. Très appréciée au mileu du 19è siècle,  elle tomba peu à peu à l'abandon, et fut détruite par son nouveau propriétaire, la Bibliothèque Nationale, en 1974. Elle fut sauvée par Louis Blanchet, qui la reconstruit en 1981/1985. C'est la sœur jumelle de la galerie Vivienne, et c'est certainement l’une des plus élégantes et des plus raffinées de Paris. Cependant, elle n’eut jamais l’attrait de sa concurrente auprès des Parisiens, qui lui préféraient les commerces luxueux et accueillants à sa beauté un peu froide.Cependant, une superbe rotonde, encore visible aujourd’hui, attirait les badauds qui prenaient goût à admirer en son centre un magnifique candélabre en bronze, portant une couronne de sept globes de cristal éclairés au gaz. Sa forme était si caractéristique qu’on ne tarda pas à l’appeler « le cocotier lumineux ». Sous la Monarchie de juillet, le candélabre devint un haut- lieu des rendez-vous galants.Quant au cocotier, il fut photographié par Eugène Atget en 1900. A sa place trône une superbe Vénus en bronze, fondue en 1822 et qui se trouvait auparavant dans les jardins du Palais-Royal.

02/0057 Dumas avait du goût

Passage des Panoramas, parmi les boutiques à la mode, il y avait celle de Susse. Ici, la clientèle chic de Paris y trouvait un choix d’articles les plus variés : articles de fantaisie, corbeilles de mariage et de baptême, agendas, éventails, flacons, bonbonnières, papiers à lettres gaufrés ou décorés, jeux de société, jouets mécaniques… On n’y trouvait pas que cela, puisqu’Alexandre Dumas y acheta pour six cents francs, un chef d’œuvre de Delacroix, « Le Tasse dans la Prison des Fous ». Il le revendit , en 1866, quinze mille francs ! Il avait aussi le sens des affaires.

02/0058 La Boîte aux Artistes

Le passage Jouffroy fut ouvert grâce à la volonté de deux industriels, Messieurs Verdeau et…Jouffroy. Chacun d’entre eux donna son nom à un passage. L’entrée du passage Jouffroy a remplacé une maison très célèbre sous la Restauration. Après avoir été le siège de l’ambassade de Turquie, elle hébergea, dans les années 1820, un nombre incalculable de musiciens, d’acteurs, d’écrivains et de peintres. C’est la raison pour laquelle ses contemporains la surnommèrent fort justement : « la Boîte aux Artistes ».

Jugez plutôt : la célèbre actrice Mademoiselle Mars, Brunet, l’enfant chéri du Théâtre des Variétés, l’écrivain Alphonse Karr, et le plus célèbre d’entre tous, Giacomo Rossini, qui logeait au second étage y vécurent.
La Boîte aux Artistes fut détruite en 1836 pour ouvrir le passage…
Un splendide hôtel, l’Hôtel de la Terrasse Jouffroy, fut construit en façade du boulevard. C’est aujourd’hui l’Hôtel Ronceray.

02/0059 Le Musée Grévin

Connu dans le monde entier, le Musée Grévin fut créé en 1882 par Meyer, directeur du journal « La Gaulois », et M Grévin, célèbre caricaturiste de l’époque. Réinventé sur le modèle du musée de cire de Madame Tusseau à Londres, son succès fut foudroyant et ne cessa de s’accroître.

02/0060 Un lingot d’or à gagner

Dans le passage Jouffroy, parmi les curiosités, figurait en 1851, le Lingot d’Or. Celui-ci, estimé à l’époque à quatre cents mille francs, était le gros lot d’une loterie qui fit courir tout Paris dans le passage.

02/0061 Sauvé deux fois !

Désormais consacré au commerce de tissus, le passage du Caire était à l’origine (1798) occupé par des commerces variés et des artisans. Peu à peu des industries remplacèrent les boutiques et les ateliers. La suppression par Napoléon III de l’obligation de timbrer les effets de commerce eut un tel impact que ce bol d’air financier permit de sauver les industries, et donc le passage. Par la suite, il faillit être démoli. Sa position centrale dans le quartier du Sentier le sauva donc une seconde fois, les négociants en tissus ayant adopté le passage.

02/0062 A la baïonnette

Le passage du Grand Cerf est situé à l’emplacement de l’ancien Hôtel du Grand Cerf. Avec ses douze mètres de hauteur, c’est le plus haut de tous les passages parisiens.

Cet hôtel de rouliers, terminus des Messageries Royales, desservait par diligences l’est et le nord de la  France, à la veille de la Révolution Française. Le 5 novembre 1827, de violentes émeutes secouèrent Paris. Le passage du Grand Cerf, qui se trouvait entre deux barricades, fut le théâtre d’une charge à la baïonnette des troupes régulières envoyées pour mater les mutins, qui avaient écrasé les soldats avec des pierres. On dénombra des dizaines de cadavres, dans les deux camps.

02/0063 Des rues aux noms bien étranges…

Nos ancêtres avaient parfois de biens étranges façons de nommer les rues. Ainsi, l’actuelle rue Léopold Bellan était appelée rue du Bout du Monde au 17è siècle. Quant à la rue St Joseph, c’était la rue …du Temps Perdu !

02/0064 Les descendants de la Cour des Miracles

Le quartier Bonne Nouvelle fut ainsi appelé lorsqu’en 1667 le lieutenant-général de police La Reynie nettoya la Cour des Miracles des voleurs et autres malandrins qui y régnaient depuis des siècles. Ce fut effectivement une bonne nouvelle pour les habitants du quartier. Mais au début du 20è siècle, c’étaient les « Apaches », des voyous qui n’hésitaient pas à étriper le bourgeois pour le détrousser, qui prirent la relève. Souteneurs pour la plupart, ils se spécialisèrent dans le vol de bicyclette, qu’ils revendaient en pièces détachées. C’étaient les débuts de la petite reine…

02/0065 Une rue, un boulevard et un théâtre consacrés aux fleurs ?

La rue, le boulevard et le théâtre des Capucines n’ont rien à voir avec ces fleurs délicates.  Ils doivent leur nom au couvent des Filles de la Passion ou …Capucines. Leur règle de vie était très austère : les religieuses devaient observer la pauvreté absolue, ne vivre que d’aumônes, marcher pieds nus excepté à la cuisine et au jardin, ne jamais manger de viande. C’est le seul couvent de cet ordre fondé en France. Le Roi soleil fit détruire le couvent pour construire la place Vendôme. Il le fit reconstruire un peu plus loin, au bout de la rue Neuve des Petits Champs, qui prit alors le nom de rue des Capucines. Sous la Révolution, le couvent devint l’Hôtel des Monnaies, où furent imprimés 50 milliards d’assignats, ces billets de banque sans valeur. Il abrita également la Section des Piques, club ultra-révolutionnaire. Puis devint un lieu d’amusement où l’on pouvait se rendre au cirque, au théâtre…Finalement, c’est Napoléon 1er qui le fit raser en 1806 pour percer la …rue de la Paix !

02/0066 Potins vrais…ou faux ?

Les Filles du couvent de St Thomas étaient fort riches. Et louaient une partie de leur monastère à des dames pensionnaires, dans leur demeure devenue trop grande. Parmi celles-ci, Mme Doublet ouvrit un salon où les beaux esprits de l’époque : Helvetius, Piron, Marivaux et Bachaumont venaient lui commenter les potins les plus récents, les anecdotes les plus croustillantes ou les plus scandaleuses. Chacun y avait son fauteuil attitré, et Bachaumont  était le plus assidu. Mme Doublet y tenait deux registres : les informations qu’elle tenait pour vraies, et celles qu’elle tenait pour fausses.  Chaque nouveau venu était tenu de commenter ces informations, à les compléter, les confirmer ou les infirmer. Toutes les semaines, les informations inscrites dans le Grand Livre étaient publiées sous le nom de « Nouvelles à la main ». Leur succès était tel que Voltaire s’assurait qu’elles lui fussent toutes favorables. Bachaumont les publia dans ses « Mémoires secrets ». Il survécut à Mme Doublet quinze jours. C’est beau la fidélité.

02/0067 Le temple du savoir

La Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu a eu une histoire mouvementée. A l’origine, c’est Charles V qui, au 14è siècle, rassembla les manuscrits hérités de ses ancêtres pour les installer dans une tour du Louvre, où ils furent répertoriés. Dispersés pendant la Guerre de Cent Ans pour ne pas tomber entre les mains anglaises, elle fut reconstituée et complétée par Louis XII et François 1er qui l’enrichirent de leurs propres collections et d’acquisitions étrangères. C’est en 1721 que la bibliothèque Nationale s’installa définitivement rue de Richelieu. La période révolutionnaire  lui permit d’enrichir ses collections. De nombreux manuscrits, mais aussi des livres rares furent « confisqués » dans des couvents ou à des émigrés. Les documents étaient tellement nombreux que, dès 1934, une annexe fut créée à Versailles pour abriter les très importantes collections de journaux et périodiques que le manque de place ne permettait plus de conserver à Paris. On estime que plus de 360 000 volumes et manuscrits, 12 millions de livres imprimés, 6 millions d’estampes, 800 000 monnaies et médailles, et 400 000 disques sont conservés dans ce temple du savoir, récemment complété par la Grande Bibliothèque.

02/0068 Le quartier de la presse

C'est le moins que l'on puisse dire. Le 2ème arrondissement a réuni les plus grands titres de la presse française. Si la présence de la Bourse a favorisé l'éclosion de toute la presse financière, c'est avec le publiciste Emile de Girardin que la presse politique journalière et à bon marché connut une très grande diffusion. Il favorisa les grands écrivains (Dumas, Balzac ...) qui publiaient des feuilletons dans les quotidiens, ce qui décuplait leurs tirages. Son journal, tout simplement intitulé "La Presse", était un modèle du genre. Puis Jaurès fonda en 1904 "L'Humanité", rue de Richelieu. Letellier fonda "Le Journal", puis Lazurick "L'Aurore". L'"Intransigeant", animé dès 1880 par Rochefort, qui, de la rue du Croissant, passait ensuite entre les mains de Bailby qui faisait élever en 1924, au 100 rue Réaumur, un grand immeuble à structure métallique. Cet immeuble abritera successivement  "Paris-Soir", puis "France-Soir", dirigé depuis la libération par Pierre Lazareff.
Mais ce n'est pas tout. Entre 1844 et 1872, c'est "L'Illustration" qui s'installa rue de Richelieu, tandis que "La République" et "La Liberté" s'étaient installées au 111 et 113 rue Réaumur. Quant au "Temps", logé rue de Richelieu, il émigra en 1912  rue des Italiens, dans un immeuble où lui avait succédé "Le Monde". Le "Parisien Libéré" occupa un immeuble au 124 de la rue Réaumur de 1944 à 1973.
Toute cette presse bénéficiait de la proximité des agences de presse, telles Havas, Fournier, ou plus près de nous l'Agence France-Presse (AFP).
S'il fallait illustrer d'exemples l'importance de la presse à cette époque, imaginez-vous que la révolution de 1830, les Trois Glorieuses, prit naissance dans les pages du "National". Et c'est dans les colonnes de ce même journal que débuta la révolution de 1848.

Parallèlement à la grande presse, les petites imprimeries de labeur fleurissaient dans les alentours, et en particulier dans les passages, où imprimeurs de cartes de visite, de prospectus, de menus, de papiers à en-tête répondaient à une demande occasionnelle mais importante.