01/0076 Les carpes de St Germain l'Auxerrois
Le chevet de l'église qui donne rue de l'Arbre Sec présente une particularité étonnante. Le pourtour de la chapelle centrale présente une frise sculptée de de tronçons de carpe: tête, corps, et queue ! La raison en est connue. En 1505, un riche drapier, nommé Tronson, avait pris à sa charge les frais d'édification de cette chapelle, à condition que le sculpteur, Jean Solas, exécutât sur les murs quelque chose qui rappellerait sa participation. Tronson avait peut-être compté des poissonniers parmi ses ancêtres. Toujours est-il que Solas sculpta des "tronçons" de carpe tout au long de cette corniche.
01/0077 L'ancêtre du loto
Au n° 15 rue Bertin Poirée, se trouvait, en 1660, le siège de la Loterie ! Nous n'avons, bien sûr, rien inventé. La loterie fut importée d'Italie en France en 1539. Comme quoi la Renaissance ne nous a pas apporté que des artistes géniaux...A l'époque, elle était appelée "blanque", (billet blanc). On n'y gagnait que des objets. Un blanque fut installée en 1563 dans le cloître de St Germain l'Auxerrois, et son joueur le plus assidu fut le roi de Navarre, le futur Henri IV. En 1660, elle devint nationale, et son promoteur devait payer une redevance pour le fonctionnement de l'Hôpital Général. Elle eut un tel succès que la Loterie de l'Hôpital Général devint en 1700 Loterie Royale. On prélevait alors une sorte d'impôt sur la cupidité. Les lots étaient alors des rentes viagères. Plus tard, des Italiens, dont Casanova, imaginèrent de nouvelles formes de jeu. On inscrivait soi-même à l'avance le numéro que l'on estimait devoir gagner, comme à la roulette. Les bénéfices furent tels qu'ils servirent, en partie, à construire la nouvelle église Ste Geneviève (le futur Panthéon), et même l'Ecole Militaire. Louis XVI concentra toutes les loteries en une seule "La Loterie Royale de France". La Révolution, pourtant si critique et dévastatrice à l'égard de l'Ancien Régime, conserva cette loterie, de même que la Convention, l'Empire et la Restauration. Elle ne fut interdite qu'en 1836, et réapparut comme par magie en 1933 sous le nom de "Loterie Nationale". Le premier gagnant fut un coiffeur parisien; Toute ressemblance avec des évènements....
01/0078 Il y a morgue et morgue
Le Grand Châtelet était situé à l'emplacement de la place du Châtelet actuelle. C'était un des édifices parisiens les plus sinistres, après le gibet de Montfaucon. Le prévôt de Paris (c'est à dire approximativement le Maire) y siégeait, et c'était le personnage le plus important du royaume après le roi. Il était investi de prérogatives importantes en matière d'attributions administratives, financières et militaires. Dans cette partie du Châtelet se trouvait aussi la Morgue, réduit sale et sordide, où étaient exposés les corps des noyés et ceux des personnes assassinées dans les rues, très nombreuses (une quinzaine par nuit au 18è siècle !). Les Filles Hospitalières de Ste Catherine étaient tenues de laver ces morts, de les couvrir d'un suaire et de les faire inhumer au cimetière des Sts Innocents. Mais ce n'est pas tout. Dans la partie est du Châtelet se trouvaient les prisonniers de droit commun en instance de jugement. Les personnes écrouées étaient examinées attentivement avec...morgue par la police, c'est à dire avec beaucoup d'attention, afin de pouvoir les reconnaître plus tard, en cas de besoin. Les cellules dans lesquelles ils étaient emprisonnés étaient particulièrement recherchées. Par exemple, l'une d'elles avait la forme d'un entonnoir renversé. La personne qu'on y descendait l'y était à l'aide d'une corde et d'une poulie. Là, elle ne pouvait ni s'assoir ni se coucher. le fond baignant dans l'eau, , ni s'adosser du fait de son inclination.
01/0079 Un amour plus fort que la mort
Le 15 mars 1831, à l'occasion de la mise à sac de l'Archevêché, rue de la Grande Truanderie, les vandales qui participèrent au pillage jetèrent à la Seine d'innombrables documents, d'une valeur inestimable. C'est ainsi que s'éparpillèrent les archives secrètes des exorcistes du diocèse. parmi les histoires plus étranges les unes que les autres, en voici une que j'ai sélectionnée pour vous.
Agnès Hellebic, se croyant délaissée par son amant, se jeta dans un puits, au carrefour d'Ariane (à l'emplacement actuel de l'angle de la rue Pierre Lescot et de la rue de la Grande Truanderie).
Lorsque le jeune homme apprit le suicide de sa bien-aimée, qui affirmait porter le fruit de leurs amours, tout le voisinage en fut ému. Mais lorsqu'il apprit qu'aucune cérémonie ultime n'avait été prévue, qu'aucune prière n'avait été envisagée, et que le corps de la défunte serait jeté au charnier des Innocents, tout proche, son sang ne fit qu'un tour. Se rappelant qu'Agnès était d'origine bretonne, il manda un prêtre armoricain. Celui-ci, au vu et au su de tous, bénit le puits fatal et prononça des prières publiques, afin d'attirer sur son âme tourmentée les faveurs de Dieu. Mais les démarches du prêtre n'eurent pas l'effet escompté. Loin d'apaiser l'âme de la malheureuse, elles eurent au contraire pour résultat de matérialiser une forme éthérée, presque charnelle, qui venait hanter les lieux de son suicide. Le fiancé inconsolable revenait régulièrement prier près du puits. Un jour, ou plutôt une nuit, il vit le fantôme d'Isabelle flotter près de lui. Il l'étreignit en silence et fut empli d'une bienheureuse torpeur. Il la revit ainsi plusieurs fois, et puis, plus rien. Elle disparut aussi soudainement qu'elle était apparue. L'amoureux finit par croire qu'il avait été le jouet de son imagination. L'histoire s'arrêterait là, mais...un soir d'orage, il découvrit, soigneusement enveloppés de chiffons posés dans un panier d'osier, deux enfants nouveaux-nés; ne pouvant assurer leur survie, il les confia à des voisins qui les élevèrent comme leurs propres enfants; mais le jeune homme ne sut jamais qui étaient le père et la mère de ces enfants. Et, qui sait si...
Toujours est-il que les bambins grandirent, et selon les exorcistes, leur descendance, quelques siècles plus tard, donna naissance à une nombreuse postérité d'incubes et de succubes (êtres nés de l'accouplement d'un être humain et d'un esprit). Les rats du quartier des Halles en seraient, selon les spécialistes de l'époque, la représentation matérielle, visible des humains. Bon, là, ce n'est pas certain...
01/0080 Un séjour...raccourci
La rue du Jour ne s'est pas toujours appelée ainsi. En 1370, le roi Charles V s'y fit construire un pied-à-terre. Ce logis champêtre s'appelait "Le séjour du roi". Il n'en fallait pas plus, pour qu'au fil du temps, le nom fut écourté et nous soit parvenu sous cette forme. Au n°5 de cette rue, un teinturier avait baptisé son magasin "Au beau Noir". Les successeurs du teinturier, qui exerçaient pourtant d'autres activités, ont conservé le nom pendant des siècles.
01/0081 Reine d'un jour
Le passage de la Reine de Hongrie, qui donne dans la rue Montorgueil, a une histoire bien particulière. Créé en 1770, il était habité avant la Révolution par une vendeuse des Halles, Julie Bécheur. Celle-ci vint porter à Marie-Antoinette
une pétition des dames de la Halle. La reine lui fit bon accueil, et trouva que Julie ressemblait à la reine de Hongrie, Marie-Thérèse. Par moquerie, les camarades de de Julie la surnommèrent "La Reine de Hongrie". Mais l'accueil bienveillant de Marie-Antoinette ayant développé chez elle des sentiments loyalistes envers la famille royale, julie fut décapitée sous la Révolution. Elle avait manifesté ses sentiments de manière sans doute trop enflammée pour les criminels qui opéraient sous la Terreur. Fouquier-Tinville pouvait être fier de lui. Une dangereuse conspiratrice éliminée...
01/0082 Le premier restaurant de Paris
La rue Jean Jacques Rousseau, qui s'appelait rue Plâtrière de 1350 à 1791, abrita en 1765, l'un des premiers restaurants de Parsi. Rappelons-nous qu'auparavant, il n'y avait que des auberges, où l'on n'avait guère le choix en matière de plats. Le restaurant est donc une révolution (si j'ose dire) pour les parisiens du 18è siècle. on y servait, à la carte, des volailes au gros sel, des oeufs frais, et cela sans nappe, sur de petites tables de marbre. Il avait pris pour enseigne ce passage de l'Evangile: " Venite ad me omnes qui stomacho laboratis, et ego vos restaurabo.", dont le dernier mot, inconnu jusqu'alors, était inconnu à l'époque. Il a donné naissance au mot...restaurant.
01/0083 Tout pour les toutous
Vers la fin du Second Empire, dans les années 1860, le Pont-Neuf constituait le carrefour d’élection de toutes sortes de petits métiers. Ainsi, Monsieur et Madame Bisson, qui tenaient leurs assises devant la statue équestre d’Henri IV. Assis sur des chaises, un écriteau les surmontait, qui portait cette inscription : « Bisson et sa femme tondent les chiens, coupent la queue aux chats et et va t-en –ville. » Par tous les temps, ces infatigables barbiers de la race canine survivaient là de leur négoce. Ils arrondissaient leurs fins de mois en vendant chiens et chats, qu’ils abritaient…sous leur chaise, où était aménagée une petite niche. Monsieur Bisson « allait en ville » aussi ; il se rendait au domicile de ses clients pour tondre les toutous de tout poil. Nos amis du Pont-Neuf n’hésitaient pas non plus à donner à leurs compagnons à quatre pattes des cours de natation sous une arche du pont, et en hiver, ils vendaient à des matelassiers la toison des caniches qu’ils avaient tondus. Mais leurs spécialités ne s’arrêtaient pas là… Ils se substituaient volontiers au vétérinaire et pratiquaient même à l’occasion des funérailles pour animaux. Ils en profitaient alors pour écorcher leur « patient », et revendaient sa peau. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…
01/0084 Partie de chasse en plein Paris
La place de la Concorde, ex-place Louis XV, fut fortuitement le théâtre, un beau soir d'été de 1788, d’une partie de chasse plutôt inattendue. Le comte d’Artois avait levé une biche dans le Bois de Boulogne. L’animal terrorisé passa l’enceinte de la ville, et , poursuivi par les piquiers et les rabatteurs, arriva essoufflé sur la place. Les belles aristocrates demandèrent, en vain, la grâce de la proie. Sur la statue équestre de Louis XV, qui trônait au centre de la place, un malicieux avait écrit ces quelques vers :
Oh ! La belle statue !
Oh ! Le beau piédestal !
A pied sont les vertus
Et le vice à cheval
01/0085 Prison pour comédiens
Entre le quai de la Mégisserie et l'église St Germain l'Auxerrois se trouvait, avant la Révolution, une prison un peu particulière, qui s'appelait prison du For-l'Evêque. On y enfermait, en effet, les fils de famille débauchés, les comédiens récalcitrants, insolents ou coupables de légèreté, ainsi que les détenus sur lettre de cachet. On y emprisonna, par exemple, le mari de Madame de Montespan, qui vait eu l'audace de réclamer son épouse à Louis XIV, ainsi que le fameux bandit Cartouche, qui s'en évada avant d'être repris et roué vif à quelques mètres de là, en place de Grève, actuelle place de l'Hôtel de Ville.
Et aussi Beaumarchais, qui s'était battu en duel avec un duc irascible, pour l'amour d'une belle comédienne...Mais le For l'Evêque servit aussi et surtout à punir les comédiens du roi quand ils refusaient de jouer ou se montraient irrespectueux. Il suffisait aussi de s'absenter sans permission pour risquer la prison. Les annales gardent la trace d'un séjour, en 1781, d'une cantatrice. Celle-ci était entrée en scène ivre morte et avait ...vomi son déjeuner à la face d'une figurante qui s'approchait pour l'aider...