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Ça s'est passé à Paris un 8 janvier

Écrit le samedi 7 janvier 2017 15:05

samedi, 07 janvier 2017 15:05

Ça s'est passé à Paris un 8 janvier

Le 8 janvier 1910

"Je ne suis pas un souteneur !"


Jean-Jacques Liabeuf est né le 11 janvier 1886, à Saint-Étienne.
Très vite, il épouse les idées anarchistes et commet quelques chapardages pendant sa jeunesse, ce qui lui vaut plusieurs condamnations : le 26 février 1907, il est notamment emprisonné quatre mois pour vol. Le 7 juin de la même année, pour vol de plomb, il est de nouveau condamné à trois mois et un jour. Une dernière peine l'envoie encore derrière les barreaux tout en lui interdisant le séjour à Saint-Étienne pendant cinq ans. À sa sortie, il est envoyé dans les bataillons d'Afrique.

Son service militaire terminé, il vient vivre à Paris où il devient ouvrier cordonnier, et rencontre Alexandrine Pigeon dont il tombe amoureux : une prostituée sous la coupe du proxénète Gaston qui est également un indicateur de la police. En compagnie de la fille Pigeon, il est arrêté le 31 juillet 1909 par les deux agents de la police des mœurs Maugras et Vors qui le soupçonnent d'exercice du métier de souteneur.

Le 14 août, il est jugé sans que son défenseur ne soit présent (il déjeunait en ville et s'était fait excuser par tube pneumatique) et il est condamné à trois mois de prison, 100 francs d'amende et cinq ans d'interdiction de séjour pour « vagabondage spécial » (proxénétisme). À l'expiration de sa peine il ne quitte pas Paris, comme cela lui est imposé. Arrêté une nouvelle fois par la police pour non-respect de cette peine, il est condamné le 16 novembre 1909 à un mois de prison.

À sa libération, s'estimant victime d'une injustice, Liabeuf décide de se venger sur les agents de police qui l'ont fait doublement condamner.

Le samedi 8 janvier 1910, 4e arrondissement de Paris. Liabeuf est à la recherche de policiers dans le quartier Saint-Merri non loin des Halles de Paris, armé d'un revolver et de deux tranchets de cordonnier, protégé par des brassards hérissés de pointes acérées (de sa fabrication, armes inspirées par des lectures de faits divers anglais). Vers 8 h du matin, à la sortie d'un débit de boisson de la rue Aubry-le-Boucher, il est appréhendé par une patrouille de police. Il tue le gardien de la paix Célestin Deray, et en blesse un autre grièvement à la gorge. Trois autres écopent de blessures superficielles. Lui-même atteint d'un coup de sabre par un agent, il est conduit à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu, en état d'arrestation.

Le socialiste insurrectionnel et antimilitariste Gustave Hervé prend sa défense dans le journal La Guerre Sociale . Son article « L'exemple de l'apache » fait scandale, notamment pour sa phrase : " je trouve que dans ce siècle d'aveulis et d'avachis [Liabeuf] a donné une belle leçon d'énergie et de courage à la foule des honnêtes gens ; à nous-mêmes, révolutionnaires, il a donné un bel exemple". Ce texte vaut à son auteur d'être condamné le 23 février, au terme d'un procès tumultueux, à 4 ans de prison et 1 000 francs d'amende. Initiée par les socialistes révolutionnaires de la Guerre Sociale, l'agitation provoquée par cet article et le procès de Gustave Hervé gagne toute la gauche et les anarchistes. L'« affaire Dreyfus des ouvriers » est lancée selon le journaliste Frédéric Lavignette.

De son côté, Liabeuf est condamné à mort le 4 mai, et son exécution, le 1er juillet 1910, boulevard Arago, au pied d'un des murs de la prison de la Santé, fait l'objet d'une énorme manifestation3. Son exécution dans la nuit du 30 juin au 1er juillet se déroule dans un climat d'insurrection (manifestation de 10 000 personnes), un agent est blessé, tout comme des centaines de manifestants, dans les affrontements entre la police et les défenseurs de Liabeuf . Jusque sous le couperet de la guillotine, le condamné ne cessera de clamer qu'il n'a jamais été un souteneur.

Etonnant destin d'un homme qui accpta sans broncher sa condamnation à mort pour meurtre, mais qui, jusqu"au bout, cria à l'injustice: "Je ne suis pas un souteneur !".

C'est ce qu'on appelle avoir de la suite dans les idées.

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