L' Histoire en chansons
J'ai du bon tabac
Parisenchansons
Auteur : ABBE DE LATTAIGNANT Année : 1760

 

J'AI DU BON TABAC

Analyse

Loin d'être une anodine comptine enfantine, cette chanson était avant tout un féroce réquisitoire contre l'intolérance, pour qui sait lire entre les lignes.

Replaçons nous dans le contexte de l'époque. Le tabac fut introduit en France par Jean Nicot. Celui-ci, ambassadeur de France au Portugal à la fin du XVIè siècle, planta quelques graines de cette plante et envoya des plants de tabac à la Reine Catherine de Médicis. Celle-ci s'en servit avec bonheur pour soigner les violents maux de tête de son fils, le futur François II.

Dès lors, la plante miraculeuse fut appelér "herbe de la Reine" ou "herbe à Nicot". On s'en servait aussi pour priser, c'est à dire que le tabac était introduit dans les narines et inhalé par ses adeptes.

 

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Dès 1642, le pape Urbain VIII lança une excommunication contre les fidèles qui faisaient usage du tabac. Jamais, du reste, on n'avait cessé de priser, ni même de fumer, puisque la pipe était à la mode sous Louis XIII. L'usage du tabac était à tel point entré dans les moeurs que le pape Clément XI se vit dans l'obligation de révoquer la bulle d'Urbain VIII, le tabac étant devenu à la mode, et Molière pouvait faire dire à Sganarelle que "qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre.".

Une amusante ordonnance de Louis XIV, datant de 1682, prescrivait que "le bruit des tabatières qu'on fermait, les éternuements, les reniflements et les nez qui se mouchent durant les offices (la messe) est tel qu'une seule prise ne sera tolérée, et sera offerte par le marguillier" (aide du sacristain qui tenait les registres de la paroisse).

 

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A l'origine, un seul couplet existait, et huit autres furent ajoutés par labbé Rémois Georges de l'Attaignant. Cet abbé était un redoutable pamphlétaire, qui ne craignait pas de se moquer des travers des puissants de son temps.

L'un des couplets relate l'histoire du comte de Neuperg, chargé par la reine de Hongrie Marie-Thérèse de la déféndre et qui fut battu par Frédéric de Prusse.

Le couplet relatif à Voltaire, qui avait été bastonné par les gens du duc de Rohan-Chabot valut à l'Attaignant d'être menacé, à son tour, par le comte de Clermont-Tonnerre. Prévenu à temps, il put éviter la bastonnade, et c'est pour se venger qu'il écrivit le couplet suivant.

Il refuse ainsi à Clermont-Tonnerre la plus élémentaire des marques de courtoisie : une prise de sa tabatière.

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