Attention aux poux !
La chevelure, principal facteur de séduction de l'homme comme de la femme, fait l'objet de soins attentifs. Au nombre des ingrédients des nombreuses recettes de shampooings, on trouve de la cendre de fougère ou de sarment de vigne, du blanc d'oeuf...
Les femmes cherchent à blondir leurs cheveux, surtout dans le sud. Les hommes se les teignent lorsqu'ils grisonnent, et luttent contre l'alopécie.
Tous, adultes et enfants, emploient des lotions contre la teigne et les poux, qui non seulement grattent, mais passent pour gâcher le teint. Les brosses à lentes et les peignes en bois, en os ou en ivoire selon le milieu social, sont donc abondamment employés. Ceux-ci présentent deux rangées opposées de dents, les unes écartées pour démêler et lisser la chevelure, les autres serrées, pour éliminer les lentes.
L'épouillage avec un peigne
Epilation intégrale
Les poux de corps sont tout autant redoutés. Comme le dit poétiquement le Roman de la rose, "il faut tenir bien rasée la maison de Vénus". Depuis le XIIè siècle, l'épilation est à la mode dans l'aristocratie; comme les fards, elle parachève la toilette.
Se laver, en effet, ne suffit pas; il faut aussi maquiller le corps. Dans l'aristocratie et la haute bourgeoisie, les canons de la beauté récusent les taches de rousseur ou de vieillesse et exigent des femmes une blancheur de lys, de cristal ou de neige. Elles y parviennent à l'aide de poudre de nombril marin, un petit coquillage blanc ou de céruse de plomb, dont l'excès opère à terme des ravages sur la peau.
Non moins dangereuses, les pâtes dépilatoires (à base de chaux !) donnent une apparence de lisseur et de blancheur très appréciée. Cette technique, rapportée dit-on des croisades, est loin d'être réservée aux dames; les hommes aussi s'épilent intégralement.
Tel n'est pas le cas dans les milieux ruraux, mais les paysans disposaient tout de même de pinces à épiler, pour la beauté du visage.
La saignée
Prescrite par le médecin, exécutée par le barbier, la saignée est pratiquée tant sur les personnes en bonne santé, à titre préventif' que sur les malades. Le médecin la recommande particulièrement aux jeunes gens: si les filles ont leurs règles, les garçons ont, eux, des saignées toutes les dix semaines, dès l'âge de douze ans. Cela passe pour équilibrer les humeurs !
Les premières saignées sont modestes: la contenance d'une coquille de noisette. Les adultes en état de faiblesse se limitent à une coquille d'oeuf moyen. En pleine forme, ils se font saigner de la quantité de liquide qu'un homme fort et assoiffé peut boire sans reprendre haleine quand il s'agit d'eau, nous dit Hildegarde de Bingen* !
On saigne le patient à jeun, sauf s'il est épuisé. L'endroit de la saignée dépend du mal dont il souffre. Le chirurgien apprécie la pliure du bras, car ce lieu, pense t-il, rassemble les humeurs en plus grand nombre. Pour un rhume, des douleurs oculaires, pour la mémoire, quand la tête bourdonne (pour cause d'hypertension), la saignée se fait aux tempes. Le pulmonaire est piqué au pouce de la main droite. On saigne avant une opération de la cataracte, en cas d'apoplexie, d'angine, de fièvre, et d'accident ayant occasionné des contusions.
Le rythme des saignées varie selon l'âge du patient: tous les trois mois s'il est en bonne santé et jusqu'à la grande vieillesse, soit 80 ans pour les hommes et 100 ans pour les femmes. Au-delà, dit Hildegarde de Bingen*, c'est inutile...
La saignée
Dents blanches, haleine fraîche
La blancheur des dents est admirée, et les techniques ne manquent pas pour les nettoyer ou les blanchir; pilules dentifrices en os de seiche ou en corail blanc pilé, feuilles d'herbes odoriférantes, cures-dents...
La pureté de l'haleine est aussi recherchée. L'eau de rose, la menthe, la cannelle, parfument agréablement la bouche. La benoîte, qui raffermit les gencives, est utilisée en bain de bouche. En effet, les dents sont un risque sanitaire redouté, entraînant des douleurs décrites comme comparables à celles d'un accouchement.
L'hygiène buccale respectée depuis l'enfance peut faire la différence entre la vie et la mort.
Le chirurgien-dentiste médiéval au travail
* Hildegarde de Bingen est née le 16 septembre 1098 à Bermersheim vor der Höhe près de Alzey (Hesse rhénane), dans une famille aristocrate rhénane. Son pére, Hildebert von Bermersheim, faisait partie de la haute noblesse.
Elle entre au couvent des Bénédictines de Disibodenberg à l’âge de huit ans, et comptera très vite parmi les penseurs les plus célèbres et les plus originaux de l’Europe médiévale.
Elle étudia la musique, la littérature, les sciences.... A 43 ans, elle reçoit de Dieu l'ordre de mettre par écrit ses visions. Elle ne le fit qu'avec beaucoup de réticence et tombe même gravement malade.
En femme accomplie Hildegarde était également Maître dans la médecine psychosomatique et l'art de guérir par les plantes, elle soignait à la fois les corps et les âmes en initiant ses nonnes à la gravure, à l'écriture, à la reliure, aux chants et à la science, domaine généralement réservé aux hommes !
En tant que médecin la plus importante de son époque, Hildegarde Von Bingen écrit des livres qui préfigurent les idées à venir sur la circulation du sang et les caractéristiques du système nerveux. Les médicaments qu’elle utilise pour les diverses maladies révèlent chez elle une vaste connaissance de la pharmacologie et des herbes. Elle entretient une correspondance volumineuse avec les plus grands penseurs et participe à tous les débats politiques et religieux de son époque. Elle inspire Dante par sa conception holistique de l’univers, basée sur l’unité du corps et de l’esprit.