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La malédiction des Templiers

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Auteur : Philippe Année : 1314

 

LA MALEDICTION DES TEMPLIERS
Une sombre et étrange affaire

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L'ordre des Templiers: les origines

Il fut créé par le chevalier champenois Hugues de Payns avec neuf compagnons en 1119 à Jérusalem.
Plus d'un siècle s'est écoulé depuis la première croisade, mais la fondation du royaume de Jérusalem, le sacre de Baudouin 1er, ne datent que de 1100.


huguede payens


L'implantation des Francs est très précaire. Les pélerins qui se rendent d'Occident vers Jérusalem voyagent dans des conditions périlleuses, sous la menace des brigands et des pillards. En effet, le christianisme est la religion dominante au Moyen-Orient depuis dix siècles.

Les Lieux saints, terre chrétienne depuis l'origine, sont librement accessibles aux pélerins jusqu'à leur conquête par l'islam à partir du VIIème siècle.
Dès lors, leur accès est progressivement rendu plus difficile, puis quasiment impossible dans des conditions de sécurité acceptables.

Hugues de Payns et ses compagnons décident alors de demeurer en Terre sainte pour protéger les voyageurs, essentiellement des pélerins, contre les infidèles, et
assurer la surveillance des routes qui mènent aux Lieux saints et la garde du Saint Sépulcre.

Suivant la règle de Saint Augustin, ils s'astreignent à une stricte pauvreté et à la chasteté, et se nomment "les pauvres chevaliers du Christ".

Le roi Baudouin II de Jérusalem, qui régnait sur la Terre sainte à cette époque, assigna une résidence aux Pauvres chevaliers du Christ, qui ne possédaient pas de maison.

Ce sera le Temple de Salomon. Dès lors, l'ordre deviendra celui du Temple, et ses membres s'appelleront les Templiers.

Plus tard, l'ordre adoptera le manteau blanc frappé de la croix rouge caractéristique recouvrant la robe blanche, grise ou noire.

templier ordres

Les règles internes sont très rigoureuses. Ainsi, par exemple, aucune femme n'est autorisée à pénétrer dans les maisons de l'Ordre, ce qui prêtera aux calomnies
et et aux critiques et aura une réelle influence lors de leur procès.

Après le concile de Troyes, les frères se séparent et partent dans les différents pays d'Occident afin de recruter de nouveaux frères et d'obtenir les donations
indispensables à l'extension de l'Ordre.

Les dons affluent de toute l'Europe et, sous l'influence du nouveau Grand maître de l'Ordre, Robert de Craon, qui succède à Hugues de Payns à sa mort en 1136, les chevaliers hirsutes, crasseux des premiers temps font place à hommes soignés, magnifiques.

La puissance de l'Ordre du Temple s'affirme de jour en jour; les dons ont permis l'acquisition de nombreuses commanderies, de domaines fonciers et procurent des
revenus de toute sorte. En 1139, le pape Innocent II accorde à Robert de Craon, à sa demande, des privilèges exceptionnels, dont l'exemption de la dîme et la
conservation du butin pris aux Sarrasins.

Mais surtout, l'Ordre est désormais placé sous l'autorité directe du pape et non plus sous celle du roi de France. Ils sont donc exemptés de tout serment ou hommage au souverain.

Cette indépendance vis-à-vis du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel (les évêques ne perçoivent plus la dîme de la part des Templiers) sera l'une des causes
de leur disgrâce.

Les années passent et les Templiers voient leur pouvoir s'accroître démesurément, à tel point qu'ils constituent un réel Etat dans l'Etat, plus puissant et plus riche que celui du roi de France, pourtant à la tête du plus puissant pays de l'Occident chrétien.

Au XIIIè siècle, l'Ordre possède plus de 5 000 commanderies avec leurs dépendances, du Portugal à la Pologne, de la Suède à l'Italie, en passant bien sûr par le
royaume de France.

Et à Paris, il fait construire une énorme forteresse, bien plus imposante que le modeste château royal de l'époque. Le quartier où sera construite cette forteresse deviendra le quartier du Temple.
Le trésorier du Temple joue un rôle essentiel dans l'administration des finances du royaume, tant en France qu'en Angleterre ou à Naples.
Sur leurs pratiques financières, sur leurs richesses, les templiers gardent le secret absolu, et cette attitude sera un des motifs de leur perte.

Le peuple, en effet, les soupçonnera de toutes les forfaitures, de tous les crimes, de pratiquer l'alchimie, de s'adonner à toutes sortes de spéculations et leur reproche leur avidité.

Mais, en Terre sainte, Jérusalem est conquise par les infidèles et St Jean d'Acre, le dernier port chrétien, tombe entre leurs mains en 1291. Guillaume de Beaujeu succombe héroïquement avec 500 chevaliers pendant le siège.

Le conflit avec Philippe le Bel

Le roi de France, Philippe le Bel, combat depuis le début de son règne le pouvoir papal. Il est, en quelque sorte, un précurseur en matière de séparation des pouvoirs entre l'église et l'Etat.


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Sceau de Philippe le Bel



C'est ainsi d'un très mauvais oeil qu'il voit revenir en France tous ces chevaliers rapatriés d'Orient.
Il les considère, avec raison, comme des banquiers armés, soumis à la seule autorité du pape, et sur lesquels il n'a aucune prise.

Songeant dans un premier temps à interdire l'Ordre, il se ravisa, en lui accordant au contraire de nouveaux privilèges pour les amadouer. Il tenta ensuite, sans succès, de s'y faire admettre en tant que simple chevalier, pour mieux en prendre le contrôle plus tard.

Devant cet échec, Philippe le Bel demande à Clément V, pape français élu grâce à lui, de fondre Hospitaliers et chevaliers du Temple dans un même ordre unique.

Clément V se rapproche de Jacques de Molay, Grand Maître de l'Ordre des Templiers, qui refuse , arguant de la trop grande différence entre les deux ordres.
Dans l'entourage du roi, quelqu'un voue une haine tenace à l'Ordre des Templiers: Guillaume de Nogaret.


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Il conseille à Philippe le Bel d'anéantir purement et simplement l'ordre détesté, ce qui permettrait de mettre la main sur ses immenses richesses et de renflouer le Trésor royal.

Le roi hésite.

Mais un fait aux conséquences incalculables, vient au secours de Nogaret, qui n'est d'ailleurs peut-être pas étranger à l'affaire. 
Incarcéré pour meurtre à Toulouse, un commandeur nommé Esquin de Floyran fait à son compagnon de cellule des révélations extraordinaires.

Selon de Floyran, les Templiers adoraient des idoles, devaient durant la cérémonie d'initiation, cracher trois fois sur la croix, baiser diverses parties du corps des officiants, et pratiquer la sodomie. Aussitôt communiquées au gouverneur de la prison, puis à Nogaret et enfin au roi, ces révélations vont totalement changer la donne.

 

Au lieu de punir immédiatement les Templiers, Philippe le Bel fait extraire de sa cellule Esquin de Floyran, et l'envoie répéter ses révélations au roi d'Aragon et à Clément V. Le roi ne se décide toujours pas à agir.
Alors, de Nogaret prend les rênes de l'opération. 

Il organise une vaste et savante campagne d'intoxication contre l'ordre. 

L'appui du peuple lui est acquis. Bien que prévenus par le roi d'Aragon et le pape Clément V, les chevaliers de l'Ordre du Temple ne prennent aucune mesure particulière et ne songent pas à se protéger. Tout juste Jacques de Molay, convoqué par Clément V, lui demande t-il de mener une enquête sur l'origine de ces 
révélations.

 

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Le pape Clément V

 

Clément V en avertit Philippe le Bel en août 1307.
La décision du roi Philippe est prise: c'est désormais la lutte à mort avec l'Ordre.
La nomination de Nogaret comme Garde des Sceaux en septembre entérine cette décision.

Le 12 octobre 1307, tous les Templiers de France, car seuls quelques-uns ont pu s'échapper, le secret ayant été bien gardé, sont arrêtés simultanément et emprisonnés.

 

Le procès et la fin des Templiers

Accusés d'hérésie, d'idolâtrie et de sodomie, remis au Grand inquisiteur Guillaume Humbert et soumis à la question, les chevaliers avouent tout ce que l'on veut.

Le plus surprenant est que de Molay, qui ne semble pas avoir été torturé, avoue lui aussi tout ce qu'on lui reproche.
Clément V se contente d'admonester le roi, puis, devant l'abondance des aveux, enjoint le 22 novembre tous les princes chrétiens d'Europe de se saisir des Templiers.

Il se ravise dès le début d'année 1308, et exige que la procédure soit interrompue et l'affaire évoquée devant lui.
Craignant que sa proie lui échappe, Nogaret entreprend de ramener le pape à la raison, par la crainte, ce qui n'est pas difficile.

Pour sauver les apparences, les prisonniers sont remis au pape Clément V, qui les confiera aussitôt à des officiers royaux. Les Templiers seront jugés par les évêques diocésains et les inquisiteurs, les dignitaires et le Grand maître comparaissant devant le pape.

Les procès se poursuivent et les aveux s'accumulent. Tous avouent les mêmes forfaits, donnant naissance au "mystère des Templiers".
Pourquoi tous ces hommes courageux, avouent-ils tout ce qu'on leur demande, et même plus ?

 

Interrogatoire des Templiers13111307
Compte-rendu d'interrogatoire des Templiers
du 13 novembre 1307




D'innombrables détails sont même ajoutés à leurs réponses au questionnaire unique qui leur a été soumis. Certains historiens ont pensé que les accusations contre les Templiers étaient forgées de toutes pièces par Nogaret.

Mais cela ne suffit pas, loin s'en faut, à expliquer tous ces aveux. Au début de 1310 cependant, 33 puis 573 accusés reviendront sur leurs aveux. 54 Templiers sont alors envoyés sur le bûcher.
Puis l'avocat des Templiers, Pierre de Bologne, disparaît. Beaucoup d'accusés renoncent alors à se défendre.

Le 5 juin 1311, l'instruction est close. Le pape Clément V, par la bulle Vox in excelso, ordonne la suppression de l'Ordre du Temple.

Mais, contrairement à ce qu'espérait Philippe le Bel, ses biens sont transférés aux Hospitaliers.
Le roi obtient malgré tout une amende de 200 000 livres pour l'apurement des comptes, et 60 000 livres pour les frais de procès.

Les Templiers persistant dans leurs aveux sont remis en liberté.

Reste le problème du Grand maître et des dignitaires.

En novembre 1312, le pape confie leur procès à une commission de trois cardinaux, qui les condamne à la prison perpétuelle.


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Jacques de Molay



Le 18 mai 1314, Jacques de Molay, et ses compagnons, Hugues de Pairaud, Geoffroi de Charnay et Geoffroi de Gonneville sont conduits sur le parvis de Notre-Dame
de Paris pour y entendre la sentence. Tout semble réglé lorsque de Molay et Charnay crient leur innocence et affirment que les hérésies qu'on leur reproche ne sont que des calomnies. "La règle du Temple est sainte, juste, catholique" hurle de Molay.

La foule s'interroge, et bientôt l'opinion se retourne et devient favorable aux accusés. Remis au prévôt de Paris , ils sont de nouveau enfermés.
Aussitôt averti, Philippe le Bel ordonne qu'ils soient brûlés vifs comme relaps, ainsi que 37 autres frères dont les aveux n'ont pas été assez fermes.
Le soir même, ils montent sur le bûcher dans l'Îlot aux Juifs, et meurent en criant: "Les corps sont au roi de France, mais les âmes sont à Dieu!"

 

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Plaque commémorative sur l'Île de la Cité

 

On raconte que, sur le bûcher, Jacques de Molay aurait cité le pape et le roi à "comparaître dans quarante jours devant le tribunal de Dieu."
Aujourd'hui, presque unanimement, on considère que lui et sas compagnons étaient innocents des crimes qu'ils ont avoués.

Epilogue

L'écrivain Maurice Druon, avec son roman "Les rois maudits", contribua à perpétuer la légende de la malédiction des Templiers.
Sous sa plume, il fait crier à Jacques de Molay sur le bûcher:

« Pape Clément !… Chevalier Guillaume !… Roi Philippe !… Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste jugement ! Maudits ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races ! ».

En effet, le 20 avril 1314, mourut le pape Clément V, probablement d'un cancer des intestins.

Le 29 novembre 1314, le roi de France Philippe le Bel meurt des suites d'un accident de chasse en forêt de Fontainebleau.

Quant à Guillaume Humbert, on perd curieusement sa trace après 1314… Pour certains, le Grand Inquisiteur de France serait mort poignardé quelque temps après
l'assassinat de Jacques de Molay « supplicié sur le bûcher ès l'îlot des juifs, le 18 mars 1314 ».

Curieusement également, peu de chroniques rapportent ce fait.

Enfin, le roi de France correspondant à la treizième génération des Capétiens est Louis XVI. Nous savons quelle fin funeste lui fut réservée.

Alors, vraie ou fausse malédiction ?
Je vous laisse juge...