CUISINES ET DEPENDANCES

Les provisions de base sont le pain et le vin. En ville comme à la campagne, les boulangers élèvent aussi de la volaille et des cochons, du bétail stabule et, dans les arrières-cours et les jardins, poussent des fruits et des légumes.

Une logistique urbaine est indispensable pour nourrir les habitants des villes, dont beaucoup vivent en appartement, sans pouvoir cuisiner ni stocker. Aux tavernes, boulangeries voire cuisines communautaires, s'ajoutent les pâtissiers et surtout les vendeurs ambulants qui permettent de manger sur le pouce, à midi.


1/ Une "ceinture verte" alimentaire

Les villes sont entourées d'une ceinture de cultures maraîchères (champs de navets, de raves, de choux et de céréales, mais aussi de lentilles, pois, fèves ou vesces*), ainsi que de vignes, pour nourrir les urbains.

Si les moins aisés, qui vivent en appartement dans des immeubles de rapport, sont contraints d'acheter les légumes que les paysans vendent au porte à porte ou au marché, les châtelains et les bourgeois ayant pignon sur rue disposent en général d'un jardin vivrier.

Les marchés sont bien achalandés. Les cuisiniers et les consommateurs portent la plus grande attention à la qualité des produits. Les livres de cuisine, parfois les textes littéraires signalent et évaluent les meilleurs: huile d'olive de Majorque, appréciée jusqu'en Angleterre; écrevisses et carpes de la Marne; pain de Corbeil; beurre et moules de Normandie...
Des denrées en provenance de toute la France abondent aux Halles de Paris.

Du bétail est élevé en ville, et les bêtes sont abattues et détaillées sur place par les bouchers. A Paris, en 1393, la consommation hebdomadaire de viande, (sans compter les cours ducales et royales) est de 3 080 moutons, 512 boeufs, 538 porcs et 210 veaux.

* Plante herbacée à vrilles fleuries, utilisée pour nourrir le bétail


2/ De la cave au grenier

L'homme du Moyen-Âge a peur de manquer. Un épisode militaire éventuel, un pillage par exemple, ou une famine due à un mauvais temps persistant entraînent des hausses de prix allant, d'un mois sur l'autre, jusqu'à multiplier de plus de seize fois le coût des denrées. Aussi faut-il avoir assez de provisions devant soi pour résister à ces aléas.

A cette fin, l'espace consacré à la cuisine et au stockage des denrées dépasse parfois largement celui dévolu au logement.

Entreposer et conserver les aliments devient dès lors un exercice obligatoire et jouent un rôle essentiel dans la vie médiévale. Dans une maison paysanne de deux pièces, l'une abrite un coin cuisine, l'autre fait fonction de resserre ou de cellier: dans des tonneaux ou des sacs sont conservés céréales, huile, vin et fruits.

En ville, les caves voûtées et les souterrains de stockage, parfois sur trois niveaux, jouent le même rôle. Dans une maison fortifiée, la totalité de l'emprise au sol peut être dédiée à la cuisine et à la transformation des aliments. Seul l'étage, situé au-dessus de la cuisine qui le réchauffe, est réservé à l'habitation. Enfin, dans une puissante forteresse, les complexe culinaire peut atteindre les 3 000m².


3/ La cuisine monastique


Nulle cuisine n'est mieux aménagée que celle d'un monastère: évier, puits, canalisation d'eau courante, immense cheminée murale ou vaste foyer central équipent les locaux. Tantôt monumentale et isolée des bâtiments conventuels, tantôt édifiée dans un angle du cloître et dotée d'un passe-plat ouvrant sur le réfectoire, la cuisine est souvent attenante au vivier et au cellier.

Granges, silos, jardins, pêcheries, moulin, boulangerie, brasserie, étables, poulailler... rien ne manque pour nourrir les moines et leurs hôtes, à qui une seconde cuisine est parfois dévolue. L'abbaye est en effet destinée à vivre en autarcie.

Dans l'idéal, la nourriture monastique est toute d'austérité: pain, vin, légumineuses et poissons constituent la diète quotidienne. mais dans la réalité, dénoncée par les textes et l'archéologie, il en va tout autrement. Avec près de quatre-vingts jours de festivités par an, les moines ne pas toujours maigre et les rations ont atteint jusqu'à 6 000 voire 8 000 calories par jour !

 

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4/ La restauration rapide au Moyen-Âge


Tout le monde n'a pas une cuisine chez soi: en ville, les gens pauvres vivent dans des appartements trop petits pour y stocker des aliments et y installer un coin cuisine. Bien des veufs renoncent à cuisiner, et la plupart des jeunes célibataites, étudiants ou ouvriers, ne possèdent aucun équipement culinaire et n'ont au demeurant pas le temps de rentrer chez eux à midi.
Les voyageurs, pélerins et marchands, très nombreux dans la ville médiévale, vivent à l'auberge et prennent leur dîner dehors.

Tous ces consommateurs se nourrissent dans des estaminets ou se fournissent auprès de traiteurs qui vendent des plats cuisinés sur le pas de la porte ou directement dans la rue, à l'aide de fours mobiles posés sur des charrettes à bras.

D'autres professionnels de l'alimentation, artisans spécialisés, installent quelques tables dans leur boutique pour satisfaire les fringales: les tripiers, les chaircuitiers (vendeurs de chair cuite, par exemple des saucisses, ce sont les ancêtres de nos modernes charcutiers), les gaufriers et autres gasteliers, qui proposent des gâteaux ou de petits pâtés.

Les fourniers préparent à la demande des poêlons de tripes, un pâté de viande ou de poisson, des écrevisses ou une tourte.

 

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