Evénements
Les nouveaux mystères de Paris de la préfecture de police

 

Les nouveaux mystères de Paris

(source: Les dossiers de la Préfecture de Police: les nouveaux mystères de Paris)

 

1/ Sur la piste des cataphiles.

Septembre 2007, rue d'Alésia: un passant n'en croit pas ses oreilles. Des cris s'échappent d'une plaque grillagée incrustée dans le trottoir. Tandis qu'il s'approche, des mots lui parviennent des profondeurs: "Au secours, nous sommes perdus dans les carrières !" hurlent un homme et une femme. Héberlué, l'homme prévient le commissariat d'arrondissement. Une fois sur place, les policiers ne parviennent pas à desceller la plaque et font appel à la compagnie spécialisée d'intervention de la Préfecture de police, composée de sportifs de haut niveau. Rompus aux missions en milieu périlleux (toits, sous-sols, etc...) ces policiers spécialisés patrouillent régulièrement dans les carrières.

Une heure plus tard, les "cataflics", comme on les surnomme, ramènent le couple à la surface. Les deux aventuriers expliquent qu'au bout de trois heures de marche souterraine, leurs lampes de poche ont fini par s'éteindre et que, pris de panique, ils ont cherché un puits de lumière pour appeler à l'aide. Ils en seront quittes pour une grosse frayeur et une amende: le fait de pénétrer dans les carrières ou d'en ouvrir les accès est passible du tribunal de police.

Tags, détritus, bouteilles vides... Certains visiteurs dégradent littéralement les carrières. D'autres, les "cataphiles", véritables amoureux des sous-sols, effacent les graffitis, aménagent des salles dans les cavités, construisent des bancs avec des pierres.

 

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Certaines salles portent des traces de rituels: bougies, croix, fresques symboliques sur les murs. Tous ces indices de passage alertent les cataflics, à l'affût du flagrant délit. pour patrouiller, les policiers les plus expérimentés ne consultent pas leur plan: ils ont pour seuls repères la physionomie des chemins et des cryptes et les neuf chiffres qu'ils ont inscrits sur le calcaire pour indiquer les points de passage d'un secteur à un autre. Ils doivent parfois ramper et marcher avec de l'eau jusqu'au cou, là où la nappe phréatique resurgit, pour protéger les sous-sols parisiens des éventuels perce-murailles ou terroristes.

 

2/ La seule sépulture des carrières parisiennes

 

Elle porte le nom de Philibert Aspairt, portier de l'hôpital du Val de Grâce, qui se serait perdu en 1793 dans les carrières en cherchant à rejoindre le caveau des chartreux, où était entreposé...l'élixir des moines, la Charteuse.
Son corps aurait été retrouvé et identifié plus de dix ans plus tard, grâce à son trousseau de clefs. Sa pierre tombale est un mythe pour les cataphiles.

 

 

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Pour certains, il s'agirait en fait de Louis Héricart de Thury, inspecteur général des carrières de la Ville de Paris de 1809 à 1830, qui aurait monté de toutes pièces cette légende urbaine pour pouvoir être enterré dans ses chers souterrains...

 

3/ Du cinéma dans les catacombes

13h42, 23 août 2005, près du Trocadéro. Huit "cataflics" pénètrent dans un puits donnant accès aux carrières situées sous le Palais de Chaillot. Après une demi-heure de patrouille, ils remarquent une bâche de travaux qui les intrigue: bien qu'elle soit barrée de la signalétique habituelle ("Chantier interdit", "Port du casque obligatoire", et même "Attention, chien méchant"). Aucun chantier n'étant répertorié dans ce secteur par l'Inspection générale des carrières, les policiers écartent la bâche pour vérifier. Aussitôt un chien aboie violemment à une vingtaine de mètres. Ils progressent dans un tunnel qui fait caisse de résonance, éclairent les lieux et s'approchent prudemment du vacarme: ils découvrent alors un système artisanal d'alarme comportant une puissante sono qui diffuse des aboiements dès qu'on touche à la bâche. A vingt mètres sous terre, les lieux sont ingénieusement aménagés. Un réseau de lampes alimenté par une installation électrique jalonne le parcours. Les policiers dénichent une chaîne hi-fi, un établi garni d'outils et même un Minitel connecté ! Plus étonnant, ces lieux situés sous l'ancienne et mythique Cinémathèque de Chaillot sont manifestement transformés en salle pirate de cinéma: des fauteuils, taillés dans la pierre, ainsi que des chaises mobiles sont disposés face à un écran de projection...

Ne manque que le projecteur, sans doute trop précieux pour être laissé sans surveillance. Un peu plus loin, ils découvrent une croix funéraire portant la mention: "Vous dans 5 minutes". Derrière celle-ci, ils distinguent une lumière rouge qui clignote, émise par une diode fixée sur une couscoussière. Les cataflics appellent aussitôt les démineurs qui, une fois descendus, établissent formellement que l'engin n'est pas une bombe, mais un leurre. Rapidement, des enquêteurs de l'identité judiciaire arrivent à leur tour. Vers 21 heures, les policiers achèvent les constatations et quittent les lieux.

 

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Le lendemain, les cataflics regagnent la salle souterraine accompagnés de techniciens de France Telecom et d'EDF pour expertiser l'installation électrique et téléphonique. Arrivés sur place, ils constatent que les lieux ont été entièrement vidés et nettoyés...
Des explorateurs urbains, baptisés "La Mexicaine de perforation", ont depuis revendiqué l'aménagement de ce cinéma clandestin dans lequel ils auraient régulièrement organisé des projections pour une trentaine de personnes. Ils appartiendraient au même groupe que les "Unterghunter", les visiteurs du Panthéon.

 

4/ L'étrangleur des parkings

Quatre novembre 1977. Une femme est découverte morte dans sa voiture, violée et étranglée, avenue Claude Viellefaux dans le 10è arrondissement.
Quelques jours plus tard, dans le même arrondissement, une autre femme est agressée dans un parking, quai de Jemmapes. L'homme a tenté d'étrangler sa victime après lui avoir fait subir des attouchements. Par bonheur, le bruit d'un ascenseur a effrayé l'agresseur, qui apris la fuite. Après ces deux faits sordides, la presse fait monter la pression.
France-Soir multiplie les gros titres: "L'étrangleur des parkings fait une nouvelle victime", etc...

Dans le 10è arrondissement, les femmes, terrorisées, n'osent plus descendre dans les sous-sols. L'affaire est confiée à la 3è brigade territoriale de la police judiciaire, compétente sur cette zone de Paris. On faisait des rondes en civil dans les parkings. Les rares femmes de la PJ étaient envoyées en avant pour servir d'appât au tueur, leurs collègues masculins restant en planque derrière elles, dans le noir. Peu de temps après, on retrouve une jeune femme yougoslave violée et étranglée chez elle, rue Juliette Dodu. Cette fois, l'auteur a mis le feu à l'appartement pour éliminer les traces.

L'enquête prend alors un nouveau virage. L'entourage de la jeune femme aiguille les enquêteurs sur la piste d'un homme qu'elle côtoyait. De grande taille, de nationalité yougoslave lui aussi, il a la réputation d'être un homme violent. Un témoin affirme que la femme de l'individu s'est plainte de son agressivité. Les enquêteurs la retrouvent. Elle précise qu'à chacune de leur dispute, l'homme met ses mains autours de son cou, comme pour l'étrangler. Ce rituel, qui rappelle le mode opératoire du tueur des parkings, entrouvre une piste sérieuse. Munie de l'identité de l'homme, la police retrouve son domicile. Ayant quitté sa femme, il loge chez sa mère, dans le 10è arrondissement.
Au cours de la perquisition, on retrouve des couverts similaires à ceux découverts dans la voiture de la première victime.

 

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L'individu est interpellé. Immense, dans la pénombre, il était très impressionnant. Ses premières auditions ne donnent rien car il s'enferme dans un grand mutisme. Une policière, qui deviendra plus tard responsable de la brigade criminelle, raconte: "Un midi, alors que les inspecteurs chargés de l'interroger sont partis déjeuner, je reste à ses côtés avec un inspecteur principal. Nous décidons de lui donner un sandwich et de quoi boire. Je cherche alors une amorce pour entamer le dialogue. Sur lui, on avait retrouvé la photo d'un petit garçon. Je lui demande s'il s'agit de son fils. Une flamme s'allume dans ses yeux et il dit que oui. Je lui fais remarquer que quand il le reverra, son fils sera un homme. J'essaie de le convaincre que s'il arrive à dire la vérité, on pourra peut-être comprendre son geste. Je lui suggère même, sans y croire, qu'il a pu être provoqué par ses victimes.

A partir de là, je sens qu'il se lâche. Il dit "c'est moi, je vais vous raconter". Et il explique tout.La manière dont les filles étaient habillées, ce qu'il leur a fait, etc... Le chef de la 3è brigade territoriale décide alors d'organiser une conférence de presse à laquelle il souhaite que j'assiste. Pour les journalistes, dont une soixantaine rôdaient comme des fous autour de nos locaux depuis le début de l'affaire, ces aveux représentent un double scoop. On vient d'identifier le tueur en série et ses aveux ont été recueillis par l'une des rares femmes commissaires de France."

 

5/ Drôles d'égouts

Le sous-sol parisien est un véritable gruyère. Les 2 400 kilomètres d'égouts, lieu de fantasme où s'entremêlent histoires vraies et légendes urbaines, sont le théâtre de missions de police bien singulières.

Au moins 4 millions de rats d'égouts s'affairent sous nos pieds. S'il n'existe pas de recensement officiel de cette population grouillante, les spécialistes avancent le chiffre de deux à quatre habitants par habitant. Chaque année, les services vétérinaires de la préfecture de police reçoivent plusieurs milliers d'appels et de lettres signalant la présence de rats dans les caves et parkings d'immeubles. Leur rôle est de faire en sorte que les syndics de copropriétés et les propriétaires prennent les dispositions nécessaires avec les services de dératisation.

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Le rattus norvegicus, plus connu sous le nom de rat brun, gaspard ou surmulot, vit dans les égouts et se nourrit de détritus. Il consomme chaque jour à Paris 800 tonnes de déchets organiques. Mais ce rongeur, d'instinct curieux, n'hésite pas à monter à la surface à la faveur de la moindre ouverture, par un tunnel, une bouche d'aération ou un tuyau défectueux. 30 000 regards d'accès sont implantés tous les 50 mètres pour la descente dans les égouts. 20 000 bouches le long des trottoirs recueillent les eaux de ruissellement et 100 000 branchements particuliers relient les immeubles au réseau.

Les rats ne sont pas les seuls habitants des sous-sols parisiens. Araignées, scolopendres, lombrics, moucherons, moustiques et autres cafards sont légion. Dans certains égouts pluviaux vit une faune moins rebutante: alevins, écrevisses, papillons de nuit. Les égoutiers font parfois des rencontres plus surprenantes. Parmi les plus incongrues, ils se souviennent de face-à-face avec des boas ou des pythons.

 

6/ Eléanore, habitante des égouts

Mars 1984. Trois égoutiers parisiens partent en mission sous le Pont-Neuf pour récurer un collecteur secondaire. Ils ne savent pas qu'à quelques mètres d'eux, dans la pénombre, se cache un crocodile de près d'un mètre, vraisemblablement échappé d'un magasin spécialisé du quai de la Mégisserie. Prévenus par les nettoyeurs des grands fonds, les pompiers attrapent non sans peine l'animal au lasso, avant de le confier au Jardin des Plantes. A l'époque âgé de trois ans, ce reptile agressif du Nil a depuis fait du chemin.

 

 

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Eléanore, c'est ainsi que sa biologiste l'a baptisée, coule désormais des jours heureux à l'aquarium de Vannes, dans un bassin fait sur mesure pour la "star" qui mesure plus de 3 mètres de long et pèse plus de 400 kilos.

7/ La chasse au trésor

 

Sous les pavés, dans les cours d'immeubles ou dans la Seine dorment encore de nombreux trésors. Ils sont souvent découverts au cours d'enquêtes de police.

Ce mardi 21 août 2007, il fait très chaud. Bien décidé à se débarrasser une fois pour toutes des odeurs nauséabondes qui remontent de sa cour intérieure, Monsieur N., propriétaire d'une maisonnette à Puteaux, fait appel à un plombier pour effectuer des travaux de canalisation. L'ouvrier, muni de son marteau-piqueur, commence à attaquer la dalle de béton qui recouvre la courette. Soudain, à environ 50cm sous terre, deux objets oblongs ressemblant à des obus attirent son attention.

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La police, immédiatement alertée, arrive sur place en compagnie des démineurs de la préfecture de police. Un périmètre de sécurité est mis en place. Il est courant, à Paris, de découvrir des bombes enfouies sous terre. Sur les deux mille bombes larguées en région parisienne lors de la Seconde Guerre Mondiale, il en resterait une centaine qui n'ont pas explosé... Mais cette fois-ci, les "obus" se révèlent être de simples thermos en fer blanc bourrés de pièces d'or! Un expert du Ministère de la Culture est appelé à la rescousse. Valeur estimée du magot: 80 000 euros, partagés à égalité entre le propriétaire et le plombier.

 

8/ Pêches miraculeuses

 

On trouve de tout au fond de la Seine. Des bijoux de pacotille sous le pont des amoureux (le pont Marie), des chariots à bagage à bagages entre les gares de Lyon et d'Austerlitz (pont d'Austerlitz), un dépotoir de batteries de véhicules (pont de Bercy), un cimetière de bouteilles de champagne sous le pont des pique-niques (passerelle des Arts)...

Ces fonds aquatiques peu engageants, fréquentés par les rats et les silures géants, ont leurs explorateurs: les policiers de la brigade fluviale. A la demande de la police judiciaire, ils plongent pour retrouver des preuves compromettantes (cadavres, armes, voitures volées, bijoux, explosifs, cofres-forts fracturés ou même perruques...), que des malfaiteurs imaginent faire disparaître à tout jamais. A tort.

 

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Ainsi, en juillet 2004, la brigade de répression du banditisme fit appel à la "fluv'" pour retrouver une statue de Camille Claudel dérobée par un cambrioleur roumain chez un collectionneur privé. L'enquête conduisit la PJ jusqu'au Port de l'Arsenal où le suspect, se sachant repéré, avait jeté l'objet pour s'en débarrasser. Trois jours de recherches furent nécessaires pour que les plongeurs ne mettent la main sur la petite statuette, qui, pour la petite histoire, fut finalement attribuée à Rodin.

Autres trouvailles dans ces eaux troubles: lors d'un entraînement sous le pont des Invalides, un plongeur repéra un sac en plastique posé sur la vase. Il le remonta: le sac était bourré de lingots d'or. Hélas, il s'agissait de contrefaçons fabriquées par des escrocs. Enfin, une découverte restera dans les annales de la brigade. En 1944, les plongeurs découvrirent sur les berges de la Seine des valises contenant les restes de victimes du docteur Petiot.

 

9/ Tagueurs sans peur

 

Ils s'appellent Ace, Vice, Lock, Vomer, Popol, Zadim...et sont les bêtes noires de la RATP et de la SNCF. Qui sont-ils ? Artistes urbains pour les uns, vandales pour les autres, les dégâts de ces graffeurs se chiffrent chaque année en millions d'euros. Pour enrayer leur action, la brigade des réseaux ferrés a créé la "cellule tag".

Les deux premières années de son existence, la cellule tag a recensé plus de 2 000 signatures et procédé à de nombreuses interpellations, fruits de longues heures d'investigations. Une des grosses affaires de la brigade se nomme "Azyle". Derrière ce "blaze" (nom), se cache un insoupçonnable cadre supérieur de 34 ans qui, la nuit venue, s'attaque exclusivement aux rames du métro parisien. Bilan: 600 000 euros de dégâts. Pour arriver à épingler "l'artiste" et son complice en flagrant délit, il aura fallu plus de 10 jours de "filloche" (filature) et visionner des centaines d'heures d'images de vidéoprotection. A force de persévérance, les hommes de la brigade se sont forgés une solide réputation dans la communauté des tagueurs, ce qui leur vaut parfois certains petits messages indélicats sur les murs du métro, des "special dedicaces" comme disent les experts: "par exemple "Fuck GDN" ( GDN= Gare du Nord, visant la brigade exerçant dans la gare).

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Le "tag" (marque, signature) désigne le simple dessin du nom de l'artiste. Bien que le geste soit élaboré, le tag est avant tout une marque de fabrique. Seuls les habitués parviennent à déchiffrer ces signatures inscrites sur le mobilier urbain. Techniques utilisées: aérosol, marqueur, pochoir et auto-collant (sticker), tout objet capable de rayer une surface et dans certains cas extrêmes, de l'acide pour définitivement marquer les vitres ou le métal (burning).

Le "graff" (fresque, piece ou masterpiece) sont les noms donnés aux graffitis sophistiqués ou exécutés en plusieurs couleurs. Techniques utilisées: bombe aérosol, peinture à l'aérographe, marqueur et stylo, craie, peinture au rouleau, ou au pinceau. En périphérie de la fresque peuvent figurer également le nom du "crew" (groupe) ou des membres qui composent l'équipe.

10/ Le ventre de Paris

 

Les Halles centrales de Paris naissent en 1135. En 1851, Napoleon III confie les travaux de modernisation à l'architecte Baltard. Dix pavillons en métal sont érigés avec des tonnes de fonte. En 1969, ce chef d'oeuvre de l'architecture métallique disparaît définitivement au profit du marché de Rungis, entraînant avec lui la très ancienne corporation des "Forts des Halles".

Même ceux qui ne les ont jamais vus conservent quelque part dans leur mémoire une image des Forts des Halles, coiffés de leur grand chapeau et dépeçant au petit matin des carcasses encore fumantes. Ce que l'on sait moins, c'est que les "700 musclés" n'assuraient pas uniquement la manutention des marchandises qui arrivaient aux Halles. Ils étaient aussi chargés de fonctions de contrôle et de surveillance, ce qui en faisait de précieux auxiliaires pour la préfecture de police...bref, ils servaient d'indics.

 

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C'est peut-être en remerciement des services rendus que lorsque leur corps fut menacé d'extinction, les manutentions à dos d'hommes n'étant plus guère concevables sur le nouveau marché de Rungis, beaucoup furent reclassés dans les rangs de la préfecture de police. Ils furent notamment chargés d'assister les vétérinaires-inspecteurs des marchés de Rungis et de la Villette, tâche dont ils s'acquittèrent fort efficacement.

Ainsi se termina la longue carrière des Forts des Halles, descendants en ligne directe des "jurés-déchargeurs", créés au XIII è siècle. Avec eux disparut un peu l'âme du vieux pays.

 

11/ Le meurtre du cabanon abandonné

 

Arcachon, 17 mai 2003: un homme d'une cinquantaine d'années, l'air hagard, blessé à l'oeil droit, se présente au commissariat local. Il est muni d'un baluchon contenant quelques vêtements et effets de toilette, comme pour partir en voyage. "Je m'appelle Lucien et, il y a seize ans, j'ai tué un homme". Evasif sur sa condition actuelle, il se montre en revanche avide de confessions. Ancien légionnaire reconverti dans la maçonnerie à Paris, il venait en 1986 de débuter un semblant d'idylle avec une certaine Akia, rencontrée dans un bar.

Une autre relation de comptoir, un italien d'une trentaine d'années nommé Renzo, propose de l'accueillir chez lui, avec sa dulcinée. Tout va pour le mieux, lorsque surgit le hic: le faux frère n'est pas indifférent aux charmes d'Akia. Fou de jalousie, un soir d'octobre 1986, Lucien attire son rival dans le cabanon à outils du chantier sur lequel il travaillait à l'époque, situé 6, passage de Crimée, dans le 19è arrondissement. Il lui défonce le crâne avec une massette récupérée sur place et enterre le corps sous le sol en terre battue.

Crime parfait ou affabulation? Malgré sa surprenante démarche, l'homme n'est ni ivre ni drogué et s'exprime de façon posée, sans l'emphase habituelle des mythomanes. Les policiers d'Arcachon alertent leurs collègues parisiens. La brigade criminelle est chargée de l'enquête. Dubitatifs, les enquêteurs se rendent rue de Crimée, pensant que le cabanon, s'il existait autrement que dans l'imagination du légionnaire repentant, a depuis longtemps disparu.

Et pourtant...arrivés sur les lieux du crime présumé, ils se trouvent face à un minuscule terrain vague de 50 mètres dur 25, enclavé entre deux immeubles. La parcelle a miraculeusement résisté aux assauts des promoteurs immobiliers et s'est transformée en véritable forêt vierge. Les enquêteurs font appel à une entreprise pour débroussailler. Enfouie sous la végétation, une cahute abandonnée dont ils forcent la porte. Sous le sol, un pull gris, une montre, des ossements humains...
La macabre découverte est envoyée à l'Institut médico-légal de la préfecture de police. L'autopsie révèle qu'il s'agit bien de Renzo, disparu à Paris en octobre 1986.

Mais pourquoi ce remords tardif ? Divorcé, sans profession et hébergé dans des conditions précaires, se sentant glisser vers la marginalité, Lucien aspire à la vie réglée de la prison. Manque de bol, son voeu ne pourra pas être exaucé. La durée légale pour juger un crime est de dix ans; l'affaire est prescrite.
Reste pour les policiers à prévenir la famille de la victime. C'est ainsi qu'un très vieux monsieur et une très vieille dame, dans un village perdu d'Italie, apprirent que leur fils disparu, dont ils n'avaient cessé, au cours de ces années, d'espérer des nouvelles, avait été assassiné. Le père mourut trois mois après. Quant à la friche, cinq ans plus tard, elle était toujours là.

 

12/ Qui a laissé entrer Sasser ?

 

7 mai 2004, 10h27, plus de 650 ordinateurs de la police judiciaire redémarrent simultanément... Vent de panique au 36, quai des Orfèvres, il s'agit de la plus spectaculaire attaque informatique qu'ait jamais connue la préfecture de police. Les responsables des systèmes d'information identifient rapidement le coupable. Il s'agit du ver Sasser (version D), un programme capable de s'auto reproduire et qui se déplace à travers les réseaux. Une fois infecté, l'ordinateur démarre et redémarre à l'infini, ceci jusqu'à sa mise hors tension. Le processus est d'une redoutable efficacité pour neutraliser les communications au sein d'un service.

Commence alors un jeu de piste pour les experts en sécurité informatique de la direction opérationnelle des services techniques et logistiques de la préfecture de police: retracer le parcours de Sasser en examinant les "logs" du réseau du ministère de l'Intérieur. Tout semble débuter le 6 mai, à 9h38, avec la contamination du laboratoire de la direction centrale de la police judiciaire de Lyon. Le lendemain, à 10h23, le laboratoire scientifique de la PJ parisienne est à son tour attaqué. Sasser a fait le tour du Quai des Orfèvres et rebooté les quelques 650 ordinateurs connectés. Une dizaine d'experts et plus de cent techniciens sont alors mobilisés pour éviter que les 18 000 ordinateurs de la préfecture de police ne soient à leur tour contaminés. Il s'agit de neutraliser le ver au plus vite, quitte à isoler l'état major de la PJ du ministère de l'Intérieur, puis de désinfecter l'ensemble des machines. Cette opération s'achève quinze jours plus tard, soit bien après l'arrestation d'un jeune allemand de 17 ans, créateur de Sasser.

 

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Sven Jaschan, trahi par ses camarades de lycée, est en effet rapidement identifié comme étant le père de ce programme ravageur. A l'évidence, les 250 000$ de récompense offerts par Microsoft pour toute information permettant la capture du pirate ont considérablement accéléré les recherches. Au cours de son procès, Sven Jashan a expliqué ses motivations: renflouer le carnet de commandes de sa mère, responsable d'une société ...de maintenance informatique, en contaminant les ordinateurs des sociétés alentour. Manifestement dépassé par la puissance dévastatrice de son programme (plus de 2 millions des machines contaminées dans le monde en quelques jours), il a écopé de 21 mois de prison avec sursis, avant d'être embauché par une société de services informatiques.

Si toute la lumière semble faite autour de l'affaire Jaschan, des zones d'ombre subsistent néanmoins quant à l'attaque de la PJ. Comment, notamment, le ver a t-il pu investir le réseau du ministère de l'Intérieur ? Ce dernier est l'un des plus sécurisés de France. Les multiples systèmes de sécurité refoulent ver, virus, chevaux de Troie, et d'une manière générale, tout programme potentiellement dangereux. Pénétrer le réseau sans y être invité est quasiment impossible. D'où une question majeure: qui a laissé entrer Sasser ? Le mystère reste entier...

 

13/ Hara-kiri dans le 11è

 

Que se passe t-il derrière les façades parisiennes ? Quelles passions, quels drames abritent ces appartements ? Même l'immeuble le plus banal a peut-être été, un jour, le théâtre d'un épisode sanglant.
Ainsi un dimanche matin, les enquêteurs du groupe criminel de la 4è division de police judiciaire sont appelés en urgence devant un immeuble de la rue Bonnet, dans le 11è arrondissement. Sur le trottoir, un homme d'origine sri-lankaise, nu comme un ver et encore conscient, gît dans une mare de sang. Son ventre est entaillé sur toute sa largeur, laissant apparaître ses entrailles, et son sexe a été coupé. Il décède quelques instants plus tard, sans prononcer une parole.

Les enquêteurs pénètrent dans l'immeuble. Même les plus aguerris sont pris à la gorge par la violence du spectacle. le sol et les murs du hall d'entrée sont maculés de sang. Ils gravissent l'escalier: sur une marche, ils découvrent un caleçon ensanglanté, sur une autre, une puis deux chaussette, suivies d'un tee-shirt et d'une chemise. L'homme, pendant sa dernière course, s'est entièrement dévêtu. Il s'est cogné aux murs, comme en témoignent les traces sanguinolentes. Les enquêteurs arrivent au premier étage, devant un appartement plutôt sordide dont la porte est ouverte. Ils entrent. Encore du sang, partout. Malgré le désordre ambiant, aucune trace de lutte, aucune trace d'effraction. Trois chats, méfiants, observent les policiers de derrière un vieux fauteuil. Sur le sol de la salle de bains, ceux-ci aperçoivent le pénis de la victime, à côté duquel a été jeté un couteau de cuisine. Un pantalon, sans aucune trace suspecte, est également posé sur le rebord de la baignoire. C'est alors qu'une longue giclure de sang attire l'attention des enquêteurs. Elle s'étend, en diagonale, du lavabo au miroir qui le surplombe. L'émasculation s'est donc produite alors que la victime faisait face au miroir, appuyée au lavabo, ce qui remet en cause la thèse criminelle. Cet indice est très vite corroboré par l'enquête de voisinage: aucun cri, aucun appel au secours n'a été entendu.

La suite des investigations démontrera que l'homme s'est bien suicidé. Mais le mystère reste bien entier; on ne connaîtra jamais les raisons précises qui l'ont poussé à cette automutilation.

 

14/ Le vengeur de Noël

 

Décembre 2007. Les rues de Paris sont envahies par la foule des acheteurs de Noël, alors que sur internet, le commerce en ligne répond aux besoins des internautes les plus pressés. Pendant que l'effervescence gagne chacun dans la course aux cadeaux, une société parisienne de vente de produits high-tech sur internet voit le réseau informatique gérant son service téléphonique après-vente exploser. La plate-forme de services ne peut plus réceptionner aucun appel, au grand dam des clients désemparés. Comment régler un problème de facturation ? Comment savoir si le cadeau acheté peut-être échangé ?

Face à cette panne incompréhensible, la société vérifie l'étendue des dégâts, collecte les informations pour cibler le problème et établit un constat: les serveurs de téléphonie ont été piratés. Après dépôt de plainte, la brigade d'enquête sur les fraudes aux technologies de l'information mène l'enquête. Un responsable de la police, spécialiste du système utilisé par la société, se charge de l'infiltrer pour récupérer les données qui permettraient d'identifier le pirate. Le serveur ayant été préalablement bien paramétré, les traces informatiques involontairement laissées par le hacker aident les enquêteurs à remonter la chronologie pour déterminer le point de départ des attaques.

Débute un travail en urgence que le stockage temporaire des données ne facilite pas. La conjugaison d'investigations techniques et d'auditions de demandes de renseignements par réquisition et d'interprétation des réponses permet à la brigade d'enquêtes sur les fraudes de recouper les informations. Trois mois d'enquête seront nécessaires pour trouver le pirate. Interpellé en mars 2008, l'homme avoue ne pas avoir supporté son départ de la société quelques semaines auparavant. Ancien responsable informatique, il est particulièrement contrarié par ses conditions de fin de contrat. Il a décidé de malmener la plateforme du service après-vente de son ancien employeur, par simple esprit de vengeance. Usant de sa bonne connaissance du système de téléphonie, le saboteur a tenté de brouiller les pistes en utilisant cinq ordinateurs différents, opérant depuis un cyber-café.

Déféré au Parquet de Paris, l'homme est accusé d'entrave au fonctionnement des systèmes et d'accès frauduleux. Il encourt une peine de cinq ans de prison.

 

15/ la pièce manquante de Beaubourg

 

En mai 2004, les responsables du centre Georges Pompidou déposent plainte: un tableau de Picasso, "Nature morte à la Charlotte", a été volé dans les réserves du musée. L'enquête est confiée au groupe de répression des vols d'objets d'art de la brigade de répression du banditisme, surnommé le groupe "broc". En auditionnant les gestionnaires des réserves, les enquêteurs découvrent que le tableau a disparu depuis déjà cinq mois. Avant de déclarer le vol, le personnel s'est donné ce laps de temps pour retrouver la pièce parmi les 30 000 oeuvres du musée, réparties sur 6 500 m². Les "broc" s'intéressent alors aux douze agents de surveillance affectés aux entrepôts. L'un d'eux, déjà connu pour trafic de stupéfiants, s'est fait licencier fin janvier. Le mois du vol. Les enquêteurs se procurent la facture détaillée de son téléphone portable, et passent au crible tous les appels de janvier.

Ils découvrent qu'une nuit, son portable s'est initialisé sur des bornes éloignées des entrepôts. L'homme a donc quitté son lieu de travail, ce qui est totalement interdit. Les numéros composés impliquent un complice, égalemnt connu des services de police comme trafiquant de drogue. Auditionnés, les deux mis en cause nient les faits. L'enquête remonte jusqu'à un trafiquant de drogue chinois incarcéré à Fleury-Mérogis, qui selon une rumeur dans le milieu, aurait eu entre les mains une toile de maître. Interrogé, le chinois ne révèle rien. Soupçonneux, les enquêteurs effectuent une perquisition au domicile de son père. Au bout de quatre heures de fouille approfondie, le Picasso est découvert derrière une commode, coincé entre deux feuilles cartonnées.

 

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Les voleurs sont mis en examen pour vol et recel de vol. L'enquête montrera que le vigile a fait pénétrer son complice dans les entrepôts de Beaubourg qui servaient de cache pour dissimuler de la drogue, et que le faux ami en a profité pour dérober le Picasso à son insu. Après ce petit séjour hors les murs, l'oeuvre du maître a regagné les cimaises de l'exposition permanente de Centre Georges Pompidou.

 

16/ Les secrets de l'Opéra Garnier

 

Brisons tout de suite le mythe: il n'y a pas de lac naturel sous l'Opéra de Paris... mais un immense réservoir d'eau. Lors de la construction du bâtiment, en 1862, l'architecte Charles Garnier se heurta à une nappe phréatique. Après avoir vainement tenté d'assécher le sol pendant dix-huit mois, il décida de tirer profit de l'obstacle et construisit un cuvelage en béton totalement hermétique de 3,20m de profondeur, qui permit de stabiliser l'eau., mais aussi la partie centrale du palais (la cage de scène), plus légère que les deux autres corps du monument. Cet ouvrage sert, encore aujourd'hui, de réservoir pour les pompiers en cas de sinistre. Mais ce faux lac n'en reste pas moins légendaire. De façon surprenante, il est même devenu le Loch Ness de la plongée.

 

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Tout le monde en parle, personne ne l'a vu...à l'exception de quelques rares privilégiés. Une fois par mois, les plongeurs de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris s'y entraînent à la "plongée sous surface non libre". En effet, à l'exception de la portion située entre les deux entrées, qui permet de garder la tête hors de l'eau, le reste de la cuve est entièrement souterrain. Cette plongée sous l'Opéra sert donc de répétition générale pour certaines interventions en configuration similaire: assistance à des personnes emportées dans les égouts, prisonnières de parkings souterrains inondés, coincées dans une péniche naufragée en Seine, etc...

Un jour de crue, un plongeur s'est retrouvé emporté en quelques secondes à l'intérieur du tunnel de la voie Georges Pompidou, complètement envahie par les flots. Il ne dut sa survie qu'à ses réflexes, acquis au fil de ces scéances d'entraînement.

 

17/ Les horlogers du Panthéon

 

11 octobre 2005, commissariat du 5è arrondissement. Le conservateur du Panthéon se présente pour porter plainte avec constitution de partie civile. Deux jours auparavant, il a donné l'ordre d'ouvrir de force de mystérieuses caisses découvertes dans les combles du bâtiment dont il a la charge. Depuis quelque temps, ces caisses cadenassées d'un volume total de près de 15 m3, sont soigneusement entreposées dans la galerie circulaire du premier étage du Panthéon et intriguent le personnel: de nombreuses entreprises prestataires sont certes susceptibles de déposer une telle quantité de matériels...mais pas aussi longtemps. A l'intérieur, des meubles, des instruments de cuisine, des aliments, de l'alcool, une chaîne hi-fi, des câbles électriques, des outils ou des pièces d'horlogerie sont découverts. Tout le matériel nécessaire pour aménager ces combles en lieu de vie temporaire, mais confortable.

Le conservateur explique aux policiers qu'il a rapidement appris l'identité de ces mystérieux occupants: ceux-ci l'ont appelé sur son portable dès le lendemain pour lui proposer une rencontre au Panthéon. Quatre personnes, deux hommes et deux femmes, se sont alors présentées à lui. Elles lui ont alors déclaré faire partie d'un groupe d'explorateurs urbains nommé les Untergunther, qui se donne pour mission de restaurer certains éléments du patrimoine public qu'ils jugent à l'abandon. En l'occurence, c'est l'horloge du Panthéon, un modèle Wagner de 1850, hors service depuis 1965, qu'ils ont décidé de réhabiliter. Tout a commencé un an auparavant. Ils ont monté une équipe composée notamment d'un serrurier et d'un horloger.

 

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Après s'être laissés enfermer une première fois dans le monument, ils ont dupliqué les trousseaux de clés trouvés sur place. Depuis, ils ont apprivoisé le bâtiment et connaissent ses moindres recoins. Ils proposent ainsi au conservateur de l'emmener voir le travail de restauration en cours, et le guident, en empruntant d'ingénieux raccourcis, jusqu'à la machinerie de l'horloge... Si le conservateur reconnaît la qualité du travail, il ne peut cependant tolérer une pareille intrusion: elle pourrait faire des émules bien moins intentionnés que ces restaurateurs plutôt sympathiques qui ne sont, du reste, pas à l'abri d'une chute mortelle. Il leur demande donc de cesser leurs visites nocturnes et décide de porter plainte. Celle-ci ne peut toutefois être reçue car rien dans la loi française n'interdit de se faire enfermer dans un lieu public, s'il n'y a pas de dégradation.

Le 25 décembre suivant, à minuit, l'horloge est remise en route tandis qu'une dédicace malicieuse est laissée sur le Livre d'or du Panthéon. L'horloger du groupe signe même la restauration en laissant en évidence sa carte de visite professionnelle dans la machinerie de l'horloge. La sécurité du Panthéon est alors revue de fond en comble tandis que les policiers du commissariat du Vè arrondissement surveillent particulièrement le monument. En août 2007, ils interpellent un petit groupe qui tente d'y pénétrer, alors qu'une équipe de télévision japonaise tourne un reportage clandestin à l'intérieur du bâtiment. Les policiers auditionnent quatre personnes, dont une infirmière, un horloger et une institutrice. Ceux-ci déclarent avoir passé des centaines d'heures à réparer l'horloge, à raison de trois ou quatre soirées par semaine, pendant plus d'un an. Ils expliquent même avoir usiné des pièces et estiment à 4 000 euros le coût de la restauration. Suite à la plainte déposée par le Centre des Monuments Nationaux, le parquet décide de les poursuivre pour dégradation...

En novembre 2007, ils ont été relaxés par la 12è chambre du tribunal correctionnel de Paris. Quoique désormais en parfait état de marche, l'horloge du Panthéon a, quant à elle, de nouveau été arrêtée. Notamment parce qu'elle sonnait tous les quarts d'heure depuis sa remise en route.

 

18/ Notre-Dame du dépôt

 

Des chants liturgiques s'échappent des fenêtres du Palais de Justice... non, ce n'est pas votre imagination qui vous joue des tours. Derrière les donjons de la Conciergerie, au coeur du Dépôt, vit depuis 1865 la congrégation des Soeurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde.

Sous les marbres du Palais de Justice, soeur Dominique et ses condisciples ne sont pas là pour juger. Accueil, écoute et conseils constituent leur quotidien. Au-delà de la gestion des repas et de l'entretien des chambres dans le quartier des femmes, les soeurs privilégient avant toute chose le contact et l'échange avec une population de passage, souvent très jeune, placée en garde à vue pour la nuit, ou en attente d'une rencontre avec un magistrat. Vols, fugues, prostitution, drogue, alcool, délinquance ou violences, le contexte est souvent très délicat. Cela n'empêche pas des échanges riches et intenses entre les femmes qui passent la nuit au dépôt et les religieuses "spécialistes" des prisons: leur ordre est également présent aux maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis et de Rennes. Tantôt conseillères, tantôt confidentes, les religieuses se définissent comme un puits sans fond capable d'engloutir tout ce qu'on y met.

 

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Les soeurs vivent au Dépôt, dans des cellules monacales pratiquement identiques à celles des prévenues, et partagent leur temps entre travaux d'entretien, prières et discussions avec celles qui le souhaitent. Pour se ressourcer, les religieuses se recueillent dans un petit jardin, un havre de paix hors du temps, dernier vestige des anciens potagers et jardins des rois du Moyen-Âge et seul espace de verdure au milieu des marbres du Palais de Justice. Le temps de la prière se déroule dans une chapelle intime aux lumières tamisées. C'est dans ce lieu silencieux qu'une fois par mois, les soeurs reçoivent pour leurs offices avocats et magistrats en quête de spiritualité. Mais pour combien de temps encore ? En effet, la crise du noviciat affecte profondément l'ordre des soeurs qui manque cruellement de vocations. Malgré ces difficultés, soeur Dominique reste serine et garde une foi inébranlable en sa mission d'accompagnement des femmes en difficulté.

 

19/ La Joconde a disparu !

 

Le 27 août 1911, entre 7 et 8 heures du matin, la Joconde disparaît du musée du Louvre. La police retrouve le cadre dans un escalier de service qui mène à la cour Visconti. Mona Lisa a été roulée telle une vulgaire croûte. L'affaire fait la une de toutes les gazettes, les Parisiens sont consternés. Certains, qui n'avaient jamais mis les pieds au Louvre, se rendent au musée pour contempler la place vide laissée par le tableau volé. Apollinaire et Picasso sont suspectés, avant d'être mis hors de cause. Pendant deux ans, l'enquête piétine et on croit la Joconde perdue à jamais. Pourtant, elle dormait à quelques mètres de là, rue de l'Hôpital, dans la chambre miteuse de son ravisseur, un décorateur italien, Vicenzo Peruggia, qui peu avant le vol avait réalisé une vitrine pour protéger le tableau (sic!).

 

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La veille du drame, il se laissa enfermer dans le musée; au petit matin, déguisé en nettoyeur, quelques minutes lui suffirent pour commettre son forfait. Il se fera arrêter à Florence le 12 décembre 1913, dénoncé par l'antiquaire à qui il tentait de revendre le tableau le plus célèbre du monde, qu'il avait transporté dans une mauvaise valise en bois blanc. Lors de son procès, il affirma que le patriotisme avait motivé son acte: il voulait rendre la belle Florentine à sa patrie d'origine. Il écopa d'un an et quinze jours de prison. La Joconde retrouva sa place au Louvre le 4 janvier 1914.

 

20/ L'escroc de la Tour Eiffel

 

Paris, 1925. Victor Lustig, ancien maquereau et escroc professionnel, décide de monter une arnaque monumentale, à faire pâlir les héros de la littérature ou du cinéma.
Décidé à gagner beaucoup d'argent facilement et en peu de temps, il imagine le coup du siècle: la vente de la Tour Eiffel. Devenu baron pour l'occasion, Lustig invite les cinq ferrailleurs les plus fortunés de Paris à l'hôtel Crillon pour une vente exceptionnelle. Muni d'une fausse carte tricolore, l'homme se présente comme un haut fonctionnaire mandaté par le Président de la République, Paul Doumergue, et exige de ses interlocuteurs la plus grande discrétion.

 

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Incroyable mais vrai, les acheteurs potentiels gobent aussi sec les propos du bonimenteur. Quelques jours plus tard, en signant son chèque, André Poisson, le gagnant des enchères, pense devenir propriétaire du monument le plus célèbre du monde. Lustig aura tout juste le temps de passer à la banque pour empocher ses gains avant d'embarquer à bord de l'Orient-Express, direction Vienne. Personne ne connaîtra vraiment le montant versé par le ferrailleur, qui, rouge de honte, ne portera pas plainte.