Le journal de Paris
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1307
Un funeste vendredi 13...
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Nous sommes le vendredi 13 octobre 1307 (tiens, tiens...) Revenons quelques décennies en arrière: l'ordre du Temple est né en Terre sainte, en 1119, après la première croisade, à l'initiative du chevalier champenois Hugues de Payns qui voulait protéger les pèlerins se rendant à Jérusalem. Il a été officialisé par le concile de Troyes, neuf ans plus tard, à l'initiative de Saint Bernard de Clairvaux. Le prestige des moines-chevaliers au manteau blanc frappé d'une croix rouge est immense pendant les deux siècles que durent les croisades... malgré la trahison ignominieuse du grand maître Gérard de Ridefort à la bataille de Hattîn, en 1187. Mais après l'échec de la huitième et dernière croisade, qui s'achève par la mort tragique du roi Saint Louis devant Tunis en 1270, les dernières possessions franques de Terre Sainte tombent définitivement entre les mains des musulmans : ceux-ci s'emparent de Saint-Jean-d'Acre le 28 mai 1291 malgré la résistance héroïque des Templiers autour du grand maître Guillaume de Beaujeu. Au début du XIIIe siècle, l'ordre du Temple, chassé de Palestine, n'en dispose pas moins encore d'une force militaire impressionnante de quinze mille hommes, bien plus que n'aurait pu en lever n'importe quel roi de la chrétienté. Mais, de soldats, les Templiers se sont reconvertis en usuriers et ont complètement perdu de vue la reconquête des Lieux Saints ! C'est que de considérables donations ont rendu l'ordre immensément riche et l'ont transformé en l'une des principales institutions financières occidentales... et la seule qui soit sûre. Il gère ainsi, en véritable banquier, les biens de l'Église et ceux des rois d'Occident (Philippe le Bel, Jean sans Terre, Henri III, Jaime Ier d'Aragon,...) Dès lors, l'opinion européenne commence à s'interroger sur la légitimité du Temple. Le roi Philippe le Bel lui-même a souvenance que les Templiers avaient refusé de contribuer à la rançon de Saint Louis lorsqu'il avait été fait prisonnier au cours de la septième croisade ! Relancer la croisade
Suivant une idée déjà ancienne, évoquée par Saint Louis et les papes Grégoire X, Nicolas IV et Boniface VIII, Philippe le Bel souhaite la fusion de l'ordre du Temple avec celui, concurrent, des Hospitaliers, afin de constituer une force suffisante pour préparer une nouvelle croisade à laquelle le roi de France et le pape sont très attachés. L'affaire est mise à l'ordre du jour de plusieurs conciles et l'on élabore même un projet dans lequel Louis de Navarre aurait été grand maître du nouvel ordre. Son dramatique échec résulte de l'entêtement et de l'étroitesse d'esprit du grand maître Jacques de Molay ainsi que de l'agressivité du ministre du roi, Guillaume de Nogaret. Guillaume de Nogaret Durant l'été 1306, Jacques de Molay donne à Clément V son opinion sur le projet de fusion. Le pape en reste pantois. L'argumentaire du grand maître n'a qu'un seul but, non avoué : garder une place qui risque de lui échapper. Guillaume de Villaret, le grand maître des Hospitaliers, n'a pas présenté son point de vue car il n'a pu se rendre à la convocation. Le drame
Tous les Templiers de France sont donc arrêtés par les sénéchaux et les baillis du royaume au terme d'une opération de police conduite dans le secret absolu par Guillaume de Nogaret. Ils sont interrogés sous la torture par les commissaires royaux avant d'être remis aux inquisiteurs dominicains. Parmi les 140 Templiers de Paris, 54 sont brûlés après avoir avoué pratiquer la sodomie ou commis des crimes extravagants comme de cracher sur la croix ou de pratiquer des «baisers impudiques». L'opinion publique et le roi lui-même y voient la confirmation de leurs terribles soupçons sur l'impiété des Templiers et leur connivence avec les forces du Mal. Le roi obtient du pape Clément V la suppression de l'ordre, au concile de Vienne, en 1312. Elle est officialisée le 3 avril 1312 par la bulle «Vox in excelso», bien qu'il soit tout à fait exceptionnel qu'un ordre religieux soit purement et simplement dissous. Le 3 mai 1312, le pape affecte le trésor des Templiers à l'ordre concurrent des Hospitaliers, à l'exception de la part ibérique qui revient aux ordres militaires locaux. Le roi de France et ses conseillers plaident en faveur de cette solution respectueuse de la volonté des nombreux bienfaiteurs du Temple. En 1313, sur la base de documents comptables, l'ordre de l'Hôpital restitue 200.000 livres au trésor royal pour solde de tout compte. Le successeur de Philippe, Louis X, réclamera toutefois un supplément, estimant que son père a été floué. L'affaire est close en 1317, quand le nouveau roi Philippe V reçoit 50.000 livres supplémentaires. Avec l'affaire du Temple, la monarchie capétienne montre qu'elle entend suivre son intérêt politique et ne plus se comporter en vassale de l'Église. Au terme d'un procès inique, le grand maître des Templiers, Jacques de Molay, est lui-même brûlé vif à la pointe de l'île de la Cité le 19 mars 1314. Une plaque rappelle le triste sort de cet homme sans envergure qui ne sut pas réformer son ordre quand il en était temps et le laissa disparaître sans réagir. Une légende reprise par Maurice Druon dans son célèbre roman-fleuve Les rois maudits veut qu'à l'instant de succomber dans les flammes, Jacques de Molay ait lancé une malédiction à l'adresse du roi et du pape, les invitant à le rejoindre dans la mort avant la fin de l'année. Or, c'est pourtant ainsi que les choses vont se passer ! Jacques de Molay, le dernier grand maître de l'Ordre, proclame sur son bûcher : Quoi qu'il en soit, le pape Clément V mourut de maladie un mois plus tard, le 20 avril 1314 à l'âge de 49 ans, et le roi Philippe le Bel périt victime d'un accident de chasse la même année, le 29 novembre, à Fontainebleau, à l'âge de 46 ans; ses trois fils mourront dans les 12 années à venir, sans laisser de descendance mâle, mettant ainsi fin à la lignée des Capétiens directs. Au bout de 7 ans d'emprisonnement (dont une partie dans le Château de Chinon), Jacques de Molay accompagné d'autres dignitaires de l'ordre sont conduits le 18 mars 1314 devant la cathédrale de Notre-Dame de Paris pour entendre le verdict du procès : la sentence des juges est la prison à vie. Mais Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie, haranguent la foule en disant que leurs aveux ont été volés, que les Templiers n'ont commis aucun crime et sont victimes d'une machination : les deux hommes sont alors condamnés au bûcher. Jacques de Molay
Des conséquences imprévisibles
Enfin, cet après midi là, les maîtres de fraternité présents comprirent que les prochains à passer sur les bûchers, ce seraient eux.
Philippe le Bel, un grand réformateur La gestion des financesLes manipulations monétairesLes guerres et la diplomatie royale coûtant cher, les questions de finances constituent l'un des principaux aspects du règne de Philippe le Bel. Au début du règne de Philippe le Bel circulent des deniers, des gros et des livres ; il faut douze deniers pour faire un sou, matérialisé depuis le règne de Louis IX par le gros d'argent, et vingt sous font une livre ; en diminuant la quantité d'argent dans le denier, il est donc possible de diminuer la valeur de celui-ci par rapport au sou. En 1295, la monnaie royale émet des deniers de moindre aloi, ce qui fait passer la valeur du gros à quinze deniers. De même, un double, valant officiellement deux deniers, ne contient en réalité qu'une fois et demie la valeur de celui-ci en argent. Ainsi, très rapidement,la valeur officielle des monnaies s'éloigne de leur valeur réelle , comptée en argent réellement présent dans les pièces, ce qui entraîne une spéculation de la part des changeurs professionnels, et l'incompréhension sinon l'hostilité de la population. Le roi cherche à contrôler les changeurs, les obligeant à livrer l'argent métal aux ateliers royaux, et, à Paris, il impose leur regroupement sur le Grand Pont. Philippe le Bel décide en outre de passer au bimétallisme en introduisant, en 1290, un « royal » d'or pur, valant dix sous, ce qui établit le rapport de l'or à l'argent de un à douze – ce rapport monte pratiquement à vingt en 1311, avant de redescendre aux alentours de quinze, tandis qu'il est moindre (de l'ordre de un à treize) dans les riches cités italiennes, bien alimentées en or par leurs marchands. Ce rapport ne peut être fixe, évoluant en fonction des besoins de numéraires des marchands notamment, et de la rareté de l'un ou l'autre métal. Dans tous les cas, il faut empêcher la spéculation avec l'étranger et contrôler l'argent emporté par les marchands. Enfin, le roi modifie l'aloi de ses pièces d'or, en introduisant une masse d'or à vingt et un carats en 1290, titre ramené à vingt-deux carats en 1310. L'ensemble de ces manipulations monétaires aboutissent à une dévaluation de fait de la valeur des petites pièces d'argent de moitié entre 1295 et les années 1310. La réforme de la fiscalitéLes difficultés rencontrées au cours de son règne amènent également Philippe le Bel à apporter de profondes modifications au système fiscal. Dans les années qui suivent le désastre de Courtrai, le roi décide d'imposer directement ses sujets – qui auparavant devaient leurs impôts à leur seigneur – et d'exempter de l'impôt tous les non-nobles qui s'engagent à servir dans l'armée. Le roi a l'habileté d'augmenter le seuil de non-imposition, ce qui lui procure très rapidement une augmentation du Trésor. Le recours aux expédientsToujours dans l'idée de renflouer les caisses royales, Philippe le Bel use souvent d'expédients. Le clergé est le premier visé par les mesures exceptionnelles (l'affaire de la décime a été l'une des causes du conflit du roi avec Boniface VIII). En 1303, le clergé doit débourser 30 % de son revenu brut. On peut estimer que, tout au long du règne, le clergécontribue pour plus de moitié aux finances royales. Le roi impose les exportations, mais le rapport qu'il en retire est faible. Il espère obtenir davantage de la Flandre après le traité d'Athis, mais celle-ci ne peut payer. En 1306, il fait expulser les juifs, auparavant redevables d'une taxe imposant le port de la rouelle rouge cousue sur leur vêtement. La plupart des juifs (cent mille environ) s'expatrient, tandis que certains se convertissent, mais le rapport pour les finances du royaume s'étale sur plusieurs années, le temps de recouvrer leurs créances. Les banquiers et marchands lombards, à leur tour, sont victimes de l'expulsion entre 1309 et 1311 – soit après la mort des frères Biche et Mouche. Enfin, la saisie des biens des Templiers rapporte fort peu puisque les biens de l'ordre sont dévolus à l'Hôpital ; les finances royales ne perçoivent que 200 000 livres pour solder les comptes. Une fin de règne difficileLes derniers mois du règne de Philippe le Bel sont marqués par le scandale des trois brus du roi. Marguerite de Bourgogne, épouse de Louis de Navarre (futur Louis X), et Blanche d'Artois (ou de Bourgogne), épouse de Charles (futur Charles IV) deviennent les amantes de Gautier d'Aunay et de son frère Philippe au début des années 1310 ; pour sa part, la troisième bru, Jeanne d'Artois, sœur de Blanche et femme de Philippe (futur Philippe V), reste fidèle à son époux mais, au courant de l'affaire, préserve le secret de ses deux belles-sœurs. En mai 1314, ces liaisons sont rendues publiques par Isabelle de France, la fille de Philippe le Bel. Le crime est de lèse-majesté, et le châtiment des frères d'Aunay est exemplaire (ils sont écorchés vifs, châtrés et pendus) ; Marguerite et Blanche sont tondues et enfermées à Château-Gaillard ; Jeanne est également emprisonnée pour avoir gardé le secret. Ainsi, à la veille de la mort du roi, ses trois fils se retrouvent sans épouses ni descendance masculine. Philippe le Bel meurt le 29 novembre 1314, des conséquences d'une chute de cheval. Il est inhumé le 3 décembre à Saint-Denis, son cœur étant donné aux dominicaines de Poissy. Bien que Philippe le Bel ait eu trois fils, la dynastie capétienne se trouve, dans les années 1320, face à la plus importante crise de son histoire, qui fait passer la couronne de la lignée des Capétiens directs à celle des Valois. |
Et la malédiction, alors ? Pape Clément ! Chevalier Guillaume ! Roi Philippe ! avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste jugement ! Maudits ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races." Telle est la malédiction proférée par Jacques de Molay à l'encontre de la dynastie des Capétiens et de ceux qui l'avaient condamné à mort, lui et ses compagnons.
Le pape Clément V mourut dans la nuit du 19 au 20 avril 1314. Philippe le Bel, suite à une chute de son cheval en chassant, mourut le 29 novembre 1314 d'apoplexie. Nogaret mourut en avril de maladie. Successivement, toutes les générations de Capétiens furent touchées par la malédiction, jusquà la treizième. La treizième génération, c'était celle d'un certain...Louis XVI. Le jour de son exécution, le 21 janvier 1793, une voix s'éleva dans la foule : "Jacques de Molay, tu es vengé !" Sans commentaires...
Qui était Philippe le Bel ?
Petit-fils de Louis IX (Saint Louis), deuxième fils de l'héritier du trône (le futur Philippe III le Hardi) et d'Isabelle d'Aragon, Philippe naît en 1268 à Fontainebleau. Son père devient roi de France deux ans plus tard. Le jeune prince devient à son tour l'héritier légitime de la couronne à la mort de son frère aîné, Louis, en 1276. Un augustin italien, Gilles de Rome, est chargé de son éducation ; à cette fin, il compose un traité (Du gouvernement des princes), qui exalte la prudence du souverain et l'exhorte à s'entourer de conseillers compétents. Philippe le Bel En 1284, le prince Philippe épouse Jeanne de Navarre, ce qui lui offre la couronne de Navarre. L'année suivante, il devient roi de France à la mort de son père. Fervent croyant, Philippe IV est également un grand amateur de chasse ; ce qui tient alors lieu de cour se déplace ainsi entre Vincennes, Fontainebleau et partout où la chasse appelle le souverain, tandis que Paris est la résidence hivernale du roi. À l'époque de Philippe le Bel, le royaume compte au moins quinze millions de sujets, ce qui en fait de loin le royaume le plus peuplé d'Europe. Paris sous Philippe le Bel Paris, avec 200 000 habitants, est la plus grande ville d'Europe (Londres n'en compte alors pas le quart). Peuplé, le royaume est également riche : les famines des siècles précédents sont oubliées, même si la situation agricole du royaume est parfois tendue, dans les régions céréalières du Nord notamment, du fait de printemps froids et humides. La gestion des affaires intérieuresLe Conseil du roi et les légistesLe règne de Philippe le Bel marque une importante étape dans le passage de la monarchie féodale fondée sur les seuls rapports vassaliques à une monarchie territoriale et administrative, employant notaires et secrétaires dont le rôle s'accroît. En son Conseil, le roi s'exprime peu, et laisse ses conseillers, les légistes, exposer la politique royale. Parmi les plus célèbres légistes figurent Pierre Flote, Guillaume de Nogaret, Guillaume de Plaisians, Gilles Aycelin (évêque de Narbonne) et Philippe de Villepreux (un juif converti), sans oublier le conseiller des dernières années du règne, Enguerrand de Marigny. Le roi s'entoure en outre des conseils de deux banquiers toscans, les frères Albizzo et Musciatto Guidi dei Franzesi – plus connus sous leurs noms francisés de Biche et Mouche –, dont la famille s'est installée en France durant le règne de son père Philippe III. Enguerrand de Marigny
Le roi réunit souvent des assemblées des barons et des représentants des principales villes du royaume, lorsqu'il a besoin de l'accord de tous. Inspirées de l'exemple des institutions méridionales, ces assemblées (préfiguration des états généraux) ne donnent cependant lieu ni à des négociations, ni à un vote ; l'accord de tous est implicite ; enfin, le roi les convoque quand il le veut et les compose à sa guise. L'accroissement du domaine royal et la soumission des fiefsPar son mariage avec Jeanne de Navarre, Philippe le Bel prépare l'annexion de la Champagne (les maisons de Champagne et de Navarre étant unies depuis 1195). Sous son règne, Lyon et la partie du Barrois située à l'ouest de la Meuse – appelé le Barrois mouvant car dépendant (« mouvant ») du Capétien – sont rattachées à la France, ainsi que le comté de Bourgogne (la Franche-Comté actuelle) qui est cédé au Capétien par le comte Otton IV lors du traité de Vincennes (mars 1295). Philippe le Bel réduit la marge d'autonomie des fiefs en les soumettant aux contrôles de la justice royale et en passant outre les prérogatives des barons. C'est en ce sens qu'après 1302 (et le désastre de la bataille de Courtrai), il impose un recours direct à ses arrière-vassaux (les vassaux de ses vassaux). D'une façon générale, Philippe le Bel cherche à imposer ses décisions, y compris en convoquant des assemblées du royaume pour s'assurer du soutien de ses sujets sans passer par l'intermédiaire de ses barons. Cette conception du pouvoir préfigure la monarchie telle qu'elle succédera au système féodal. La question de la GuyennePhilippe le Bel convoite les territoires anglais de Guyenne. Vassal du roi de France pour la Guyenne, le roi Édouard Ier d'Angleterre n'a rendu hommage à son suzerain qu'à contrecœur lors de son accession au trône. Aussi, Philippe le Bel profite-t-il d'escarmouches entre marins normands (relevant du Capétien) et bayonnais (relevant du Plantagenêt) pour citer à comparaître Édouard, le 27 octobre 1293. Comme le duc-roi ne se présente pas devant son suzerain le jour de la convocation, la confiscation de la Guyenne est prononcée le 19 mai 1293. Cependant, l'exécution de la sentence implique la conquête du duché. Les opérations militaires sont d'abord favorables aux Anglais. Mais, en 1295, les armées du Capétien, sous le commandement de Charles de Valois (frère du roi) occupent le duché. Édouard Ier demande une trêve en janvier 1296, tandis que le pape rend son arbitrage. Le roi d'Angleterre conserve la Guyenne – même si la question de l'hommage n'est pas résolue –, et une alliance entre la France et l'Angleterre est scellée par le mariage de Marguerite (sœur de Philippe le Bel) avec Édouard Ier, et la promesse de celui d'Isabelle de France (fille du Capétien) avec le futur Édouard II. En 1303, par le traité de Paris, Philippe le Bel rend à l'Angleterre l'ensemble des territoires de Guyenne. Les affaires de FlandreLa politique flamande de Philippe le Bel le conduit à rechercher l'appui des grands marchands, lesquels sont hostiles au pouvoir comtal trop prompt à s'immiscer dans leurs affaires, tandis que le comte, Guy de Dampierre, recherche le soutien du peuple des artisans. En 1297, le comte de Flandre, espérant l'alliance du roi d'Angleterre et celle de l'empereur germanique, Adolphe de Nassau, se déclare délié de ses liens de vassalité avec le roi de France. Les Français entrent aussitôt en guerre et prennent la plupart des villes flamandes. En 1300, Guy de Dampierre et ses fils sont pris par les Français et exilés dans l'intérieur du royaume. En mai-juin 1301, Philippe le Bel, accompagné de la reine, visite les villes flamandes et nomme Jacques de Châtillon gouverneur du comté. Les Brugeois se révoltent contre l'autorité de ce dernier, et massacrent une partie de la garnison occupant la ville (les « Mâtines de Bruges », 18 mai 1302). Afin de punir les rebelles flamands, Philippe le Bel envoie une armée, qui subit une défaite écrasante à la bataille de Courtrai, le 11 juillet suivant ; au terme de la bataille, les Flamands s'emparent des éperons dorés des dépouilles (d'où le nom de « bataille des Éperons d'or ») des nombreux chevaliers morts au combat, parmi lesquels figurent le chancelier Pierre Flote, Jacques de Châtillon et Robert d'Artois. La bataille de Courtrai
Le désastre de Courtrai affaiblit considérablement la position de Philippe le Bel, à un moment où le conflit avec la papauté atteint son point culminant ; la défaite est cependant vengée par les victoires de Zierikzee et de Mons-en-Pévèle (18 août 1304) – au cours de cette dernière bataille, Philippe le Bel combat en personne –, et la Flandre est occupée. Par le traité d'Athis (1305), le comté de Flandre est soumis à des conditions draconiennes : destruction des enceintes fortifiées de Bruges, Gand, Ypres, Lille et Douai, ces deux dernières villes étant restituées à la Flandre ; indemnité de guerre de 400 000 livres ; obligation faite aux Brugeois d'envoyer trois mille d'entre eux en pèlerinage ; rente de 20 000 livres versée au roi de France par la famille de Dampierre. Les affaires de Flandre ne sont cependant pas réglées car les villes ne parviennent pas à payer l'indemnité. Par le traité de Pontoise (11 juillet 1312), le comte de Flandre cède à la couronne Lille, Douai et Béthune, en échange de Cassel. Durant l'été 1314, le légiste Enguerrand de Marigny – qui a succédé à Guillaume de Nogaret, mort quelques mois plus tôt – veut faire payer les bourgeois des villes de Flandre ; ce retournement de la politique royale a pour effet de dresser contre Philippe le Bel à la fois le comte et les habitants de Flandre. Un nouveau conflit armé est sur le point de s'engager lorsque, le 3 septembre, par la convention de Marquette, une nouvelle trêve est proclamée. Mécontentant les barons, Marigny est alors accusé d'avoir sacrifié les intérêts du royaume à des entreprises commerciales. Les affaires religieusesLe conflit avec le pape Boniface VIIIPhilippe le Bel entreprend de contrôler davantage le clergé français, aux dépens du pouvoir du pape. Le roi estime qu'évêques et abbés lui doivent hommage et ne doivent en aucun cas agir contre les intérêts du royaume ; de plus, en prévision d'une éventuelle croisade, le roi souhaite recevoir une aide financière substantielle du clergé de France. La définition de la place exacte du clergé français par rapport au roi et à Rome est ainsi au centre des affaires religieuses du règne. Les relations de Philippe le Bel avec la papauté s'enveniment notablement avec l'élection du pape Boniface VIII. Ce dernier, qui a succédé à Célestin V en décembre 1294 (à la suite de la renonciation de ce dernier), engage les hostilités à propos des contributions financières du clergé français (affaire de la décime, 1296-1297). La victoire du Capétien sur cette question amène Boniface VIII à calmer les tensions en canonisant le grand-père de Philippe le Bel, Louis IX (Saint Louis), en 1297. Le conflit est ravivé en 1301 par l'affaire de l'évêque de Pamiers, Bernard Saisset. L'évêque, qui a entamé une campagne de dénonciation des abus royaux et cherche à attirer le comte de Foix dans une tentative de sécession, est arrêté par les agents du roi en 1301. L'affaire Saisset devient le point de départ d'une épreuve de force entre Philippe le Bel, qui souhaite pouvoir faire juger des clercs accusés de trahison, et une partie du clergé, hostile à ces empiétements du roi sur leurs prérogatives. L'affaire Saisset se clôt avec la bulle Ausculta fili (5 décembre 1301), adressée à Philippe le Bel, qui affirme la soumission du roi « au chef suprême de l'Église ». Le Pape Boniface VIII En 1302, Boniface convoque l'Église de France à un concile qui doit se tenir à Rome à la Toussaint, dans le but de « discuter, diriger, statuer, procéder, faire et ordonner ce qui Nous semblera utile […] à la réforme du roi et du royaume, à la correction des abus et au bon gouvernement ». Le pape se pose ainsi en juge du roi et suspend, jusqu'à la tenue du concile, toutes les concessions antérieures, notamment en matière fiscale. En réponse, Philippe le Bel convoque aussitôt une assemblée du royaume, qui se tient le 10 avril 1302 à Notre-Dame de Paris devant un millier de représentants du clergé, des barons et des villes, au cours de laquelle les prétentions pontificales sont réfutées. Le roi réplique qu'aux « déraisonnables entreprises » de Boniface, il faut opposer une réforme de l'Église. C'est au cours de cette assemblée qu'est employé pour la première fois le qualificatif de « gallicane » appliqué à l'Église de France (gallicanisme) ; il s'agit déjà de faire reconnaître par le clergé français le pouvoir du roi sur les affaires temporelles du royaume, et de nier celui du pape dans ce domaine. À la suite de l'assemblée de Notre-Dame, Boniface menace de déposer Philippe le Bel. Le concile se tient à Rome en novembre 1302, tandis que la bulle Unam sanctam consacre le rôle du pape comme chef de la chrétienté. La stratégie royale, sous l'influence de Guillaume de Nogaret, s'attaque désormais à la personne même de Boniface VIII, accusé d'usurpation et d'hérésie. Selon le conseiller du roi, le pouvoir du Capétien ne dépend que de Dieu, ainsi qu'en atteste la cérémonie du sacre à Reims. Le pape doit être suspendu, et un nouveau concile doit être convoqué pour le déposer et élire son successeur. C'est en ce sens que Guillaume de Nogaret se rend en Italie pour notifier au pape sa comparution devant un concile. Pendant deux jours, sous la pression des Français, Boniface est prisonnier en son palais d'Anagni (c'est l'attentat d'Anagni de septembre 1303). Libéré par ses partisans, Boniface VIII meurt quelques semaines plus tard. Son successeur Benoît XI mène une politique favorable au roi de France, mais meurt à son tour en juillet 1304. Le nouveau pape, élu le 5 juin 1305, est un Français, qui règne sous le nom de Clément V. Par la bulle Rex gloriae (1311), il annule tous les actes de Boniface VIII contre Philippe le Bel. |
Les différents ordres de chevalerie
A l’époque... En 1300, première mention de la poudre à canon1304 fresques de Giotto à la chapelle de l'Arena de Padoue Fresque de Giotto , chapelle de l'Arena à Padoue 1305 le candidat de Philippe le Bel à la papauté, le Français Clément V, s'installe à Avignon. Le pape n'est plus à Rome. 1306 expulsion des juifs de France L'expulsion des juifs de France en 1306 1309 les Maures sont chassés de Gibraltar 1311 premier portulan (carte marine) Le premier portulan 1312 rattachement de Lyon au Royaume de France 1315 création des premiers mécanismes d'horlogerie en Europe
Bon à savoir... Ces expressions qui nous viennent du Moyen-Âge
UNE POIRE D'ANGOISSE L'objet était à l'origine une poire de fer que l'on introduisait dans la bouche d'un prisonnier pour l'empêcher de parler. Mais cette sorte de bâillon, qui maintenait très écartées les mâchoires de la victime, était en fait un véritable instrument de torture et les malheureux étaient donc forcés d'obéir s'ils voulaient être délivrés et ne pas mourir de faim. De nos jours, heureusement, les poires d'angoisse ne sont plus utilisées que sous la forme d'image pour désigner de vives contrariétés. LA POMME D'ADAM Adam put résister à la tentation et mordit goulûment dans le fruit de l'Arbre du Bien et du Mal. Un morceau lui en resta en travers du gosier, et l'on peut encore le voir aujourd'hui chez tous ses descendants : c'est la pomme d'Adam, appelée de nos jours saillie du cartilage thyroïde. PRENDRE DES VESSIES POUR DES LANTERNES Quoique de forme voisine, une lanterne et une vessie sont néanmoins des objets fort différents et les confondre est depuis longtemps considéré comme la pire des méprises. (Les vessies dont il est question ici sont des vessies de porc: gonflées d'air, elles pouvaient servir de ballons ou bien, vides, de sacs étanches.) L'expression est ancienne, puisqu'on la trouve dès le XIIIème siècle. Il s'agissait d'un calembour : en ancien français, vessie et lanterne avaient à peu près le même sens figuré : une lanterne était un conte à dormir debout et une vessie une chose creuse, une bagatelle. La sottise de celui qui prend des vessies pour des lanternes n'est donc pas de confondre deux objets très différents, mais d'accepter une ânerie plutôt qu'une autre ! PROMETTRE MONTS ET MERVEILLES Faire des promesses mirifiques. Au cours du temps, on a dit aussi promettre la lune, chiens et oiseaux, plus de beurre que de pain... L'origine de cette expression n'est pas anecdotique. Aucun conquérant n'a jamais promis à ses troupes de merveilleux royaumes au-delà des monts. Comme le fit le général carthaginois Hannibal, qui fit espérer à ses soldats, du haut des Alpes, la possession de Rome. On disait, au Moyen Age, de quelqu'un qui promettait monts et merveilles, qu'il promettait les monts et les vaux (c'est-à-dire les vallées). Dans la suite des temps, par un goût pour la répétition, typique de l'ancien français, l'image a été oubliée et les merveilles ont pris la place des vaux, renforçant ainsi le sens du mot mont, au lieu de le compléter comme précédemment. L'ancien français adorait ces couples de mots, de sonorités voisines et de sens proches. Curieusement, beaucoup nous sont parvenus: bel et bien, sain et sauf, sans foi ni loi, sans feu ni lieu, tout feu tout flamme... PRUD'HOMMES ET PRUDES De nos jours, le prud'homme est membre d'un tribunal constitué de représentants des salariés et des employeurs et chargé de régler les conflits du travail. Le mot avait jadis une signification bien plus large. Un prud'homme était un homme preux, c'est-à-dire plein de valeur. Mais cette valeur n'était pas seulement militaire. Un ermite pieux, un bourgeois honnête et avisé, un vieux et sage chevalier étaient des prud'hommes. Un chevalier courageux mais écervelé ne méritait pas ce titre. DES QUERELLES BYZANTINES Ce sont des discussions animées, et aussi inutiles qu'interminables. On raconte en effet que, lorsque Byzance fut assiégée par le sultan Mehmet II le Conquérant, en 1453, les moines et les érudits de la ville débattaient de points théologiques, alors même qu'on se battait sur les remparts. Un de leurs sujets de discussion préférés a d'ailleurs donné naissance à une autre expression. On dit de personnes qui parlent de problèmes inutiles et insolubles qu'elles discutent du sexe des anges. REVENONS À NOS MOUTONS Expression que l'on utilise lorsqu'on souhaite ramener au vif du sujet une conversation qui s'égare. L'expression est empruntée à la Farce de Maître Pathelin, une comédie du XVème siècle qui connut un très grand succès. RONGER SON FREIN Ronger son mors, comme le fait un cheval impatient que l'on force au repos. L'expression, qui date du XIVème siècle, a sans doute été comprise aussi longtemps que le cheval a joué un rôle important dans la vie quotidienne. Puis, le mot mors ayant supplanté le mot frein dans l'usage courant, on ne perçut plus de l'expression que son sens figuré. Sens qui assimile curieusement l'homme au cheval: ronger son frein, c'est réprimer le dépit que l'on éprouve, contenir avec peine son impatience. LA ROUE DE LA FORTUNE Symbole de la destinée humaine, on représentait en effet la Fortune sous les traits d'une déesse actionnant une roue. Tout en haut de la roue, siègent les rois et les puissants du jour. Tout en bas, les mendiants sont précipités dans le vide. Entre, ceux à qui le destin est favorable s'élèvent peu à peu, tandis que de l'autre côté tombent les malchanceux en disgrâce. Cette image figure très souvent dans les enluminures des manuscrits. Beaucoup de chansons médiévales y font allusion. L'expression " la roue tourne " fait allusion aux vicissitudes de la vie et aux échecs qui suivent parfois les grands succès. C'est d'ailleurs le nom d'une association destinée à venir en aide aux artistes oubliés du public. TAILLABLE ET CORVÉABLE À MERCI Au Moyen Age, la condition des serfs était très dure. Les charges qui pesaient sur eux, quoique variables selon le siècle, la région et le seigneur, étaient le plus souvent lourdes. Parmi elles figuraient la taille, impôt exigé par le seigneur, et les corvées, travaux que les serfs réquisitionnés devaient effectuer gratuitement pour le compte de leur maître. Aujourd'hui, on dit de quelqu'un qu'il est taillable et corvéable à merci si, comme le serf du Moyen Age, il est sans recours bon pour toutes les corvées. TENIR LE HAUT DU PAVÉ Occuper une place de choix dans la société. Jadis, il n'y avait pas de trottoirs et les rues étaient légèrement en pente pour que les eaux sales puissent s'écouler au milieu. Les passants qui marchaient près de ce ruisseau risquaient toujours de se salir ou d'être éclaboussés jusqu'aux mollets. C'est pourquoi on laissait par politesse la meilleure place, le long des maisons, aux personnes de qualité. Le privilège n'était pas négligeable car, jusqu'à la fin du XIXème siècle, toute promenade en ville, surtout par temps de pluie, tournait à l'expédition. TOMBER EN QUENOUILLE Au Moyen Age, les femmes n'étaient pas exclues de la propriété. Elles pouvaient en particulier hériter de biens, mais elles se contentaient le plus souvent de les transmettre à leur époux sans les gérer elles-mêmes. Le suzerain se réservait même jalousement le droit de marier à son gré les héritières de ses vassaux, quand elles étaient orphelines. Il était donc assez rare qu'une femme puisse rester indépendante et s'occuper elle-même des biens dont elle avait hérité et que l'on disait " tombés en quenouille ". La quenouille, qui servait à filer, étant l'instrument féminin par excellence. Et comme les femmes passaient pour être de piètres gestionnaires, " tomber en quenouille " ne tarda pas à signifier " tomber à l'abandon, cesser d'être utilisé ". TRAVAIL DE BÉNÉDICTIN Cette expression, qui désigne un énorme travail intellectuel, fait référence aux gros ouvrages d'érudition écrits par les moines bénédictins de Saint-Maur au... XIXème siècle. On pense immédiatement aux moines du Moyen Age qui ont pendant des siècles, dans l'endroit des monastères appelé " scriptorium ", recopié et enluminé tant de manuscrits. Ils étaient eux aussi bénédictins (on les appelait souvent moines noirs, de la couleur de leur robe) et leur travail a permis aux grandes oeuvres de l'Antiquité de parvenir jusqu'à nous. Travailler au noir Au Moyen Âge, les associations de métier réglementaient le travail en exigeant qu'il ne soit effectué qu'à la lumière du jour. Or, certains maîtres, pour augmenter le rendement de leurs ouvriers, les faisaient travailler à la chandelle, une fois la nuit tombée, ce qui était interdit par les règles. D'où l'expression "travailler au noir" pour signifier travailler de façon illicite. UN VILAIN
A l'origine, habitant une " villa" (une ferme), le vilain est un paysan, que les nobles et les clercs imaginent aussi laid physiquement que moralement, capable de toutes les " vilenies ". En langue française, vilain peut donc se traduire en français moderne par " paysan " aussi bien que par " rustre " ou " ignoble individu ".
La première page des règles de l'Ordre du Temple |
18 mars 1314
Le drame de l'exécution des dignitaires du Temple le 18 mars 1314 eut deux conséquences que le roi Philippe le bel n'avait certainement pas envisagé. Tout d'abord, le Temple était aussi une immense et tentaculaire organisation bancaire et thalassocratique. Son réel trésor était ses comptoirs et ses agents comptables répartis sur l'ensemble du bassin méditérranéen et dans toutes les villes européennes. Ses lettres de change valaient chèques. Sa marine faisait le lien et maintenait l'ordre. Le désastre fut comparable à la faillite des banques en 1929. La finance européenne se recentralisa en Italie du nord et les comptables du Temple devenus banquiers réactivèrent les réseaux à leur compte personnel. La banque lombarde était née. La Sérénissime République de Venise reprendra, à son profit bien sûr, le flambeau de la domination du commerce et des lignes maritimes en Méditerranée, et pour deux siècles l'orgueil d'un roi fera sombrer la France dans les guerres et la misère. La seconde conséquence catastrophique fut le départ de pratiquement l'ensemble des professionnels formés par le compagnonnage vers des horizons variés : Italie, Portugal, Moyen Orient ... |
Jacques de Molay, … |
... exécuté le 18 mars 1314, île aux joncs, Paris |
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