Vie quotidienne à Paris
Manger au Moyen-Âge (5)

 

LA DIETETIQUE


Aux préceptes de l'Antiquité s'ajoutent, à partir du début du XIIIè siècle, les règles de la diététique.

Cette science nouvelle se fonde sur l'antique théorie des humeurs. Si la religion impose de faire jeûne ou carême, les médecins instillent durablement le souci de boire et de manger avec raison, pour rester en bonne santé. Il importe par-dessus tout de n'être ni obèse, ni maigre, deux affections déjà soignées à l'époque par des régimes appropriés.


1/ La sécuirité alimentaire


La conscience des risques sanitaires est très vive au Moyen-Âge, même si les motivations des cuisiniers et des consommateurs ne sont pas toujours "scientifiques": la symbolique joue un rôle tout aussi important dans la consommation ou le rejet de certaines espèces. Ainsi se méfie t-on des champignons et des fraises des bois, parce qu'ils possent au ras du sol.

La fraîcheur des produits est une exigence répétée, surtout en ce qui concerne les produits d'origine animale. Il faut savoir reconnaître la fraîcheur des poissons à leur couleur et au toucher, et vérifier qu'ils proviennent d'une bonne eau, prémices de la traçabilité.

Le souci de sécurité alimentaire se traduit dans les avertissements, nombreux dans les livres de cuisine et les ordonnances municipales, de ne pas utiliser d'eau polluée pour la cuisson des aliments; Mais les consommateurs ne semblent toujours pas conscients de tous les risques de pollution. Ainsi, les Avignonnais boivent l'eau du Rhône, et les Parisiens utilisent l'eau de la Seine pour la confection de la compote de noix !


2/ La conservation des aliments


Les techniques de conservation ne se cantonnent pas à la salaison. Viandes et poissons sont séchés ou fumés. Les fruits et légumes sont surtout stockés au naturel, sur des planches, dans des silos, des barils ou des pots, quand ils ne sont pas immergés dans le vinaigre ou le miel.

Les salages sont souvent brefs. Une journée pour l'anguille coupée en tronçons, trois jours et trois nuits pour un jambon ou une oie. Le sel, le vinaigre, voire le fumage, donnent un autre goût aux aliments, dont le cuisinier doit se débarrasser en les faisant plus ou moins longtemps détremper.

porc


3/ La nourriture et la médecine


Pour l'homme médiéval, la composition du sang résulte de la digestion de ses aliments. Ceux-ci sont classés en catégories: "chauds", "froids", "secs" ou "humides", elles-mêmes divisées en quatre degrés. Il faut corriger en caractères par le type de cuisson et le condiment. La viande de boeuf est, par exemple, chaude et sèche; on la mange donc le plus souvent bouillie. En revanche, le poisson, froid et humide, se sert grillé. Le poivre, au 4è degré de chaleur, compense la froideur des aliments.

Bien des assaisonnements d'épices s'expliquent par des motivations médicales. Le cuisinier doit combiner les ingrédients selon le dîneur et la saison.
A un vieillard de tempérament froid, il faut servir des mets chauds, sucre et miel. A un enfant, de tempérament chaud, on ne doit pas donner de sucreries.

Les mets doivent être servis selon un ordre facilitant la digestion. On commence par "ouvrir l'appétit" (c'est le sens du mot "apéritif"). On poursuit par des mets longs à digérer, servis avant les plats légers. On finit par les mets pesants, tel le fromage, qui "enfonce" le repas au fond de l'estomac, et qui, par son seul poids, aide à la digestion.

poisson

4/ Les usages et la règle


Les réticences alimentaires n'obéissent pas à des règles, mais à la sensibilité du temps. Sauf exception, on ne mange ni chien, ni chat, ni cheval, animaux trop familiers pour être consommés.

L'Eglise impose des interdictions alimentaires en certains moments de l'année. La privation de viande est de règle les jours maigres, soit au minimum une centaine de jours par an. Le "crapois" de baleine remplace le lard de cochon. La religion impose l'abstinence, ou du moins la privation des mets les plus délectables.

La règle connaît cependant de nombreuses dispenses (enfants, malades, travailleurs...). Même en Carême, les cuisiniers se décarcassent pour satisfaire les papilles des nobles: civet d'huîtres, porée de cresson, rissoles fourrées de poisson et de châtaignes, fromentée au marsouin, écrevisses au vinaigre...et même oiseaux pourvu qu'ils soient de mer. Et si un convive a la nostalgie des viandes, les maîtres-queux transforment l'apparence des poissons pour leur en donner l'aspect, comme l'esturgeon contrefait de veau !