Manger au Moyen-Âge


Quel que soit le milieu social, le rythme de la vie est scandé par les repas, et la cuisine représente un secteur d'activité majeur au Moyen-Âge.

Le nombre des collations varie selon l'état: "trois repas est vie de bête" disent les moralistes.

Si les paysans, artisans et ouvriers prennent un déjeuner, au réveil, qu'ils complètent par un casse-croûte en milieu de matinée, les bourgeois aisés et les nobles sont censés
s'abstenir de toute nourriture pour pouvoir aller à la messe à jeûn.

Ils prennent leur dîner en fin de matinée, et leur souper en fin d'après-midi. Mais tous ne souscrivent pas à cette diète idéale, et les cuisiniers sont en général tôt levés afin de satisfaire les fringales des convives.

Jamais la consommation n'a atteint de tels sommets qu'aux XIVè et XVè siècles.Une ration quotidienne de 500g de viande et d'1 kilo de pain par personne est chose courante.

De cet appétit du Moyen-Âge pour les nourritures terrestres, les sources témoignent abondamment.

Nous sommes loin, très loin, des affabulations de la IIIè République, qui, à la fin du XIXè siècle, décrivait cette époque comme une période de famine perpétuelle, où les hommes mouraient de faim sous l'oeil amusé d'une noblesse et d'un clergé complices.

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1/ Des textes

Si les premiers livres de cuisine ne datent que de la fin du XIIIè siècle, des recettes sont données, dès le siècle précédent, par les herbiers et les livres de "physique": traités d'Hildegarde de Bingen, Livre des simples de Platearius, Régime du corps d'Aldebrandin de Sienne...

Les encyclopédies, à l'image de Livre des propriétés des choses de Barthélémy l'Anglais, les traités d'agronomie, comme le Livre des profits chapêtres de Pierre de Crescens, nous renseignent abondamment sur les techniques de cuisson et de conservation.


2/ Des objets

Les archéologues retrouvent par millions les détritus culinaires, sous forme d'ossements, écailles de poissons, tessons de pots, grains, noyaux et pépins, conservés carbonisés dans les incendies de maisons ou digérés, dans les latrines...

Celles-ci sont riches d'enseignements sur les pratiques alimentaires; elles témoignent de maladies qui montrent que les viandes, mangées fraîches, n'étaient pas assez bouillies et que les salaisons ne suffisaient pas à éradiquer les parasites sous leur forme larvaire: le tenia, les ascaris sont partout présents.

Les analyses chimiques effectuées sur les os et les dents rendent également compte du régime alimentaire.


3/ Des images

Témoins des plaisirs de la bouche et de leur importance, des images par milliers viennent redonner chair aux ossements et aux recettes. Du cuisinier à la table, tous les ustensiles, les mets, sont figurés à foison.

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4/ Des mots, locutions et proverbes

De l'alimentation médiévale, nous avons gardé de nombreuses locutions: manger à belles dents, avoir du pain sur la planche, avoir les yeux plus grands que le ventre...

Maints proverbes oubliés mettaient en scène le moment du repas. Quelques-uns font sourire: Qui tient la poêle par la queue, il la tourne là où il veut; Qui veut dîner avec le diable doit avoir une longue cuiller; Femme noire fait bons choux...

D'autres dévoilent toute l'importance de l'alimentation dans une société qui a peur de manquer: Le pain est bon pour la faim, Pain chaud n'a que trois quartiers et pain dur en a quatre... D'autres enfin laissent place aux considérations diététiques à la mode depuis le XIIIè siècle: Le vin est bon qui en prend par raison, Il fait bon jeûner après manger.

Ces locutions se marient à merveille avec le sentiment religieux: Toute religion s'accorde à bon vin.

Des mots, enfin, nous sont restés qui témoignent des manières de table: avoir un copain, c'est à dire ceui avec qui on partage le pain (co-pain).