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Ça s'est passé à Paris un 2 décembre

Écrit le mercredi 29 novembre 2017 04:02

mercredi, 29 novembre 2017 04:02

Ça s'est passé à Paris un 2 décembre

Le 2 décembre 1733

Mort du Régent Philippe, duc d'Orléans



Philippe, fils de Monsieur, frère unique de Louis XIV, né en 1674, fut nommé duc de Chartres jusqu’à la mort de son père en 1701, qu’il prit le titre de duc d’Orléans. Dès sa tendre jeunesse, il annonça un génie supérieur et universel : la littérature, les arts et la guerre l’occupèrent tour à tour.

Il fit sa première campagne en 1691, et se signala au siège de Mons, sous Louis XIV, son oncle. En 1692, il fut blessé à la bataille de Steinkerque où il commandait le corps de réserve. Il se signala encore l’année suivante à la bataille de Nerwinde, où il pensa être fait prisonnier, s’étant trouvé cinq fois engagé au milieu des escadrons ennemis.

Après le traité de Riswick, le duc de Chartres employa les loisirs de la paix à cultiver toutes les sciences, et tous les arts. Il vivait au milieu des savants et des artistes, s’occupant de poésie, de musique, de géométrie, de peinture, et surtout de chimie : l’étude de cette dernière science lui devint dans la suite bien funeste, par les affreux soupçons qu’elle fit naître contre lui, dans ces temps de deuil et de désolation, où la mort fit tant de ravages dans la maison royale.

La guerre s’étant rallumée, en 1701, pour la succession à la couronne d’Espagne, Louis XIV l’envoya commander l’armée d’Italie. On faisait alors le siège de Turin : le prince Eugène attaqua les lignes et les força. Le duc d’Orléans avait été d’avis qu’on marchât aux ennemis ; mais, enchaîné par les ordres de la cour, il eut du moins la gloire d’avoir disputé vaillamment la victoire (7 septembre). Il fut plus heureux en Espagne : il alla prendre, en 1707, le commandement de l’armée qui était aux ordres du maréchal de Berwick ; mais il eut le chagrin de n’arriver que le lendemain de la bataille d’Almanza (25 avril), gagnée sur l’archiduc Charles, compétiteur de Philippe V. Le duc d’Orléans profita, en grand capitaine, d’une victoire à laquelle il aurait bien voulu avoir part : il soumit, presque en les parcourant, les royaumes de Valence et d’Aragon ; il pénétra ensuite dans la Catalogne, où il prit Lérida, I’écueil des plus grands capitaines.

Cependant la fortune, favorable à Philippe V, en Catalogne, l’abandonnait dans les autres contrées. Le bruit courait que ce monarque, découragé par ces revers, allait abdiquer la couronne, et l’on prétend que le duc d’Orléans songea à l’obtenir pour lui : déjà il avait pris des mesures pour disputer à l’archiduc le sceptre, au moment qu’il échapperait à Philippe V. Ces mesures furent présentées à Louis XIV, sous la forme de la plus odieuse conspiration. Deux agents du prince, appelés Flotte et Renaut, furent arrêtés ; trois seigneurs espagnols essuyèrent le même sort. Monseigneur, père de Philippe V, opina, dans le conseil, qu’on fît le procès à celui qu’on regardait comme coupable ; mais Louis XIV crut qu’il valait mieux ensevelir ce projet informe dans un profond oubli. On croit cependant que le souvenir de ce projet contribua beaucoup aux arrangements que prit Louis XIV à sa mort, pour le priver de la régence.

Ces arrangements furent inutiles : le parlement la lui déféra, après avoir cassé le testament du monarque, qui la lui enlevait en semblant la lui conserver. La face des affaires changea alors totalement. Le duc d’Orléans, quoique irréprochable sur les soins pour la conservation de son pupille, s’unit étroitement avec l’Angleterre, et rompit ouvertement avec l’Espagne. Le cardinal Albéroni, premier ministre de Philippe V, excita des mouvements en France, pour donner à son maître la régence d’un pays où il ne pouvait régner. La conspiration était près d’éclater, lorsqu’elle fut découverte.

Un des premiers soins du régent fut de gagner les jansénistes, et de pacifier les querelles de l’Eglise : il y réussit en partie. Il fallait engager le cardinal de Noailles à rétracter son appel ; on lui fit promettre qu’il accepterait. Le duc d’Orléans alla lui-même au grand-conseil, avec les princes et les pairs, faire enregistrer un édit qui ordonnait l’acceptation de la bulle, la suppression des appels, l’unanimité et la paix. Cette paix aurait eu de la peine à s’établir, si la fureur de la controverse n’eût fait place à la fureur du jeu des actions, qui venait de saisir les Français. Toute l’attention du public s’était portée de ce côté-là. Law avait rédigé depuis longtemps le plan d’une compagnie qui paierait en billets les dettes de l’Etat, et qui se rembourserait par les profits.

Après la ruine de son système, il fallut réformer l’Etat ; on fit un recensement de toutes les fortunes des citoyens vers la fin de 1721. Ce fut l’opération des finances et de justice, la plus grande et la plus difficile qu’on ait faite chez aucun peuple ; on forma un ordre assez sûr et assez net pour que le chaos fût débrouillé ; cinq cent onze mille et neuf citoyens, la plupart pères de famille, portèrent leur fortune en papier à ce tribunal. Toutes ces dettes innombrables furent liquidées à près de seize cent trente-et-un millions, numéraire effectif en argent, dont l’Etat fut chargé.

Louis XV, ayant été déclaré majeur en 1723, le duc d’Orléans lui remit les rênes de l’Etat. Le cardinal Dubois resta toujours chargé de la direction générale des affaires jusqu’à sa mort, arrivée le 19 août de la même année. Le duc d’Orléans consentit alors à prendre le titre de premier ministre, et à se charger du gouvernement ; mais il suivit bientôt le cardinal Dubois. Déjà sa santé était visiblement altérée, et il était la plus grande partie de la matinée dans un engourdissement qui le rendait incapable de toute application. On prévoyait que, d’un moment à l’autre, il serait emporté par une apoplexie. Ses vrais serviteurs tâchaient de l’engager à une vie de régime, ou du moins à renoncer à des excès qui pouvaient le tuer en un instant : il répondit qu’une vaine crainte ne devait pas le priver de ses plaisirs. Cependant blasé sur tous, il s’y livrait plus par habitude que par goût. Il ajoutait que, loin de craindre une mort subite, c’était celle qu’il choisirait.

Il y avait déjà quelque temps que Chirac, son médecin, voyant à ce prince un teint enflammé, et les yeux chargés de sang, voulait le faire saigner. Le jeudi matin, 2 décembre, il l’en pressa si vivement, que le prince, pour se délivrer de la persécution de son médecin, dit qu’il avait des affaires urgentes qui ne pouvaient se remettre ; mais que le lundi suivant il s’abandonnerait totalement à la faculté, et jusque là vivrait du plus grand régime. Il se souvint si peu de sa promesse, que ce jour-là même il dîna, contre son ordinaire qui était de souper, et mangea beaucoup suivant sa coutume.

L’après-dîner, enfermé seul avec la duchesse de Phalaris, une de ses complaisantes, il attendait l’heure du travail avec le roi. Assis à côté l’un de l’autre devant le feu, le duc d’Orléans se laisse tout à coup tomber sur le bras de la Phalaris, qui, le voyant sans connaissance, se lève toute effrayée, et appelle du secours, sans trouver qui que ce fût dans l’appartement. Les gens de ce prince, qui savaient qu’il montait toujours chez le roi par un escalier dérobé, et qu’à l’heure de ce travail il ne venait personne, s’étaient tous écartés. La Phalaris fut donc obligée de courir jusque dans les cours pour amener quelqu’un : la foule fut bientôt dans l’appartement ; mais il se passa encore une demi-heure avant qu’on trouvât un chirurgien. Il en arriva un enfin, et le prince fut saigné : il était mort.

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