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Ça s'est passé à Paris un 11 novembre

Écrit le mercredi 8 novembre 2017 08:08

mercredi, 08 novembre 2017 08:08

Ça s'est passé à Paris un 11 novembre

Le 11 novembre 1794

La Convention met fin au Club des Jacobins



La Convention avait attendu pour frapper la société des Jacobins que le peuple eût pris l’initiative : lorsque l’opinion générale se fut prononcée, un décret, qui portait plus loin qu’il ne semblait aller, défendit aux sociétés populaires de s’affilier et de correspondre en nom collectif (16 octobre 1794, décret rendu contre les Jacobins). La population parisienne paraissait, de son côté, attendre un encouragement légal de la Convention, pour agir contre les Jacobins. Armée du décret du 16 octobre, la jeunesse dorée de Fréron ne garda plus de mesures dans ses agressions, et les Jacobins, en retour, ne modérèrent ni leur ressentiment ni leurs déclamations.

Bientôt tout fut dit, de part et d’autre, par les représentants que les deux partis avaient dans la Convention, et il ne resta plus qu’à livrer combat. A propos d’un décret d’accusation rendu contre Carrier (16 décembre 1794, exécution de Carrier), Billaud-Varennes avait fait aux Jacobins, un appel à l’insurrection, et avait dit au lion de se lever, de déchirer ceux qui le bravaient, de broyer leurs membres et de boire leur sang. Tallien, à la Convention, lui avait demandé compte de ces paroles, en ajoutant que Billaud ne rappelait que l’image du tigre et point celle du lion, et que d’ailleurs, tigres ou lions, il fallait muscler toutes les bêtes féroces. Lorsque du haut de la tribune nationale des députés échangeaient de pareilles paroles, on comprend que , dans les rues, leurs partisans ne pouvaient plus que se battre.

Pendant plusieurs jours, au Palais-Royal, dans les Tuileries et sur la place du Carrousel, les Jacobins et le peuple des faubourgs d’un côté, les jeunes gens dorés et les marchands de l’autre, s’attaquèrent avec fureur. Vive la Convention ! A bas la queue de Robespierre ! criaient les jeunes gens : Vive la Convention ! A bas les aristocrates ! répliquaient les Jacobins, et les deux partis s’assommaient à coups de bâtons plombés. Le 9 novembre, quelques milliers de jeunes gens assiégèrent la maison où le club tenait ses séances, et lancèrent des pierres, qui, brisant les fenêtres, venaient rouler au milieu de la salle.

Les femmes jacobines, surnommées les furies de la guillotine, s’étaient présentées aux portes pour fuir, les jeunes gens les saisirent et les forcèrent de rentrer dans la salle, après les avoir fouettées. Les Jacobins tentèrent quelques sorties, ils furent ramenés, et les pierres continuèrent à pleuvoir. Paris était dans l’agitation et !a terreur ; les comités de Sûreté générale, de Salut public, de la guerre et de la législation réunis, délibéraient, depuis plusieurs heures, sans adopter aucune mesure. Enfin ils envoyèrent des patrouilles, qui, maintenant une sorte de neutralité, délivrèrent les assiégés, sans employer la force contre les assiégeants.

Le lendemain, les deux partis, les thermidoriens et les montagnards, s’attaquèrent avec une extrême violence à la tribune ; mais comme les Jacobins ne se réunissaient que tous les deux jours, les combats des rues furent suspendus jusqu’à la prochaine séance du club, c’est-à-dire, jusqu’au 11. Les préparatifs faits de part et d’autre annonçaient que cette journée serait sanglante. Les comités, assemblés depuis vingt-quatre heures, n’osaient prendre aucun parti énergique, tant les vieux Jacobins étaient encore imposants. Sans rien statuer pour l’avenir, et seulement pour prévenir une collision immédiate, ils arrêtèrent, à la fin, que la salle des Jacobins serait fermée et que leurs séances seraient provisoirement suspendues.

Le 12 novembre, l’orateur des comités exposa à la Convention les mesures qui avaient été prises pour rétablir le calme dans Paris, et déclara qu’on ne prétendait pas attaquer les sociétés populaires, mais qu’on voulait seulement dissoudre une assemblée qui prêchait la guerre civile, et qui devenait une cause de désordre. Il était adroit d’esquiver la question générale, de ne point se prononcer sur l’institution même des sociétés populaires, et de paraître ne vouloir frapper dans les jacobins que des perturbateurs du repos public et non des clubistes. L’arrêté des comités reçut force de loi d’un décret de la Convention, qui l’approuva. Les associations populaires se trouvaient ainsi dissoutes de fait, lorsqu’elles le furent de droit, par la loi du 6 fructidor an III.

Les Jacobins, ardents et opiniâtres, ne souscrivirent pas à leur condamnation. Ils allèrent exhaler leurs colères, et proclamer les droits de l’homme dans le club électoral et dans la société des Quinze-Vingt ; mais le mouvement réactionnaire de Thermidor était trop général et trop selon la force des choses, pour qu’ils pussent l’arrêter. Ils expirèrent définitivement au 1er prairial (20 mai 1795), laissant dans l’histoire un souvenir effrayant et un nom détesté.

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