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Ça s'est passé à Paris un 17 août

Écrit le mercredi 16 août 2017 05:43

mercredi, 16 août 2017 05:43

Ça s'est passé à Paris un 17 août

Le 17 août 1832

Quand vous me rendrez ma jambe, je vous rendrai Vincennes !


Fils d’un perruquier, Daumesnil reçoit une éducation fort incomplète, et s’enrôle très jeune. Son père ancien capitaine de cavalerie qui s’est livré au commerce, le destinait à cette carrière, mais le jeune Daumesnil s’engage à 17 ans dans le 22e régiment de chasseurs à cheval le 15 mars 1794.

Grièvement blessé au combat d’Elne le 2 fructidor an II, il rejoint son régiment en Italie au commencement de l’an IV, est admis le 25 prairial an V, avec le grade de brigadier dans les guides du général Bonaparte, et passe maréchal-des-logis le 7 brumaire an VI. À ses débuts dans les guides, il est d’une inconduite notoire en dehors des batailles. Un jour au Caire, il est arrêté et condamné à mort avec deux autres guides pour rébellion en campagne après une bagarre avec des officiers de ligne.

Bonaparte, qu’il a sauvé à Arcole et qui tient à lui, lui promet la vie sauve, s’il demande sa grâce, mais la mesure ne s’applique pas aux deux autres guides et Daumesnil refuse. Le lendemain, conduit au poteau d’exécution avec ses compagnons, la proposition lui est refaite et il refuse à nouveau. « [...] mais, alors qu’il se met en marche pour rejoindre les deux autres condamnés, on le retient. La salve couche ses compagnons, sous ses yeux, et on le reconduit dans sa cellule. Bonaparte a décidé de le sauver ».

Un des premiers, il monte à l’assaut de Saint-Jean-d’Acre, y reçoit un coup de sabre, et est précipité du haut des remparts dans le fossé par l’explosion d’une mine. Dans cette campagne, il sauve deux fois la vie du général Bonaparte2. Le général en chef le fait passer aussitôt dans le régiment des guides, où il déploie en vingt circonstances la plus rare intrépidité, notamment à la bataille d’Aboukir le 7 thermidor an VII, où il s’empare de l’étendard du Capitan pacha.

De retour en France avec Bonaparte, il entre dans les chasseurs à cheval de la Garde des consuls le 13 nivôse an VIII, y est nommé adjudant-sous-lieutenant le 16 floréal, et lieutenant le 29 messidor. Daumesnil suit le Premier consul en Italie (1799-1800) et combat à Marengo.

Capitaine le 13 messidor an IX, et membre de la Légion d’honneur le 25 prairial an XII, il fait les guerres d’Autriche (an XIV), de Prusse (1806) et de Pologne (1807). Chef d’escadron après Austerlitz (27 frimaire an XIV) et officier de la Légion d'honneur le 14 mars 1806, il est sur les champs de bataille d’Iéna, d’Eylau et de Friedland.

Il suit l’Empereur en Espagne en 1808. Dans l’insurrection du 2 mai à Madrid, c’est lui qui, à la tête des chasseurs à cheval de la Garde impériale, commande la principale charge de la cavalerie française contre les habitants de Madrid dans la grande rue d'Alcalá. Il a deux chevaux tués sous lui par le feu des insurgés.

Daumesnil fait partie en 1809 de l’armée d'Allemagne, se trouve à la bataille d'Eckmühl, et est promu au grade de colonel-major le 15 juin. Il est créé baron de l'Empire, et il tombe blessé à la jambe gauche sur le champ de bataille de Wagram le 6 juillet, étant à peine remis d’un coup de lance qui lui a percé le corps au commencement de la campagne. Amputé deux fois en quelques jours, il a le bonheur de se rétablir, et l’Empereur lui conserve son emploi.

Général de brigade, commandant de la Légion d'honneur et du château de Vincennes le 2 février 1812, il est investi le 18 du même mois du titre de gouverneur de cette place, d’où sortent pendant les quatre dernières années de l’Empire jusqu’à 350 000 cartouches et 40 000 gargousses par jour. Son importance est si grande, que l’Empereur dans un ordre spécial prescrit au général Daumesnil d’y loger, de ne jamais découcher, et de ne pas s’en absenter un instant sans ordre.

La capitulation signée le 30 mars 1814 à 17 heures, prescrit que le matériel qui couronne les hauteurs de la capitale doit être livré le lendemain à l’ennemi. Daumesnil, la nuit-même, sort de Vincennes avec 250 chevaux, enlève et introduit dans la place canons, fusils et munition, matériel estimé à plusieurs millions.

La capitale est occupée par les Alliés austro-russo-prussiens depuis plusieurs semaines que Daumesnil tient encore. Les alliés réclament en menaçant le général. On ne parle, dans Paris que de la gaîté de sa réponse aux sommations russes : « Quand vous me rendrez ma jambe, je vous rendrai ma place ! » Il défend ce poste avec le plus grand courage contre les troupes alliées.

La Restauration elle-même croit devoir honorer ce beau caractère, et elle retire à Daumesnil le gouvernement de Vincennes, mais elle lui donne en échange celui de la petite place de Condé et la croix de Saint-Louis le 17 janvier 1815. L’apparition de Napoléon sur les côtes de Provence doit naturellement rendre le vieux soldat à toute l’ardeur de ses affections pour l’empereur. Cependant, fidèle à ses nouveaux serments, il n’arbore les couleurs nationales sur la citadelle de Condé que le 22 mars, c’est-à-dire après le départ des Bourbons. Le soir où Napoléon remet le pied à Paris le 20 mars 1815, Daumesnil rentre dans Vincennes.

Bien que la paix a été signée au traité de Vienne, les forces d’occupation prussiennes veulent dépouiller les places fortes et arsenaux français sous prétexte de compensation de celui qui leur a été enlevé lors des conquêtes napoléoniennes. L’arsenal de Vincennes renferme un matériel considérable, plus de 52 000 fusils neufs, plus de 100 pièces de canon, plusieurs tonnes de poudre, balles, boulets, obus, sabres… Le général baron Karl von Müffling (de), commandant en chef du corps prussien qui occupe Paris, a essayé par tous les moyens oratoires de pénétrer dans le château. Le général est de nouveau sommé de se rendre lorsque la capitale est encore envahie : « Nous vous ferons sauter, dit un des parlementaires. — Alors je commencerai, » répond le brave général, en lui montrant une énorme quantité de poudre ; « nous sauterons ensemble. » Blücher lui fait proposer un million pour prix d’une capitulation, Daumesnil rejette ses offres avec mépris. « Mon refus, dit-il, servira de dot à mes enfants. » Impatient de rester inactif dans ses murs, il fait une sortie à la tête de quelques invalides, prend et reprend trois fois le village de Vincennes, et ramène des canons prussiens dans la place.

Il parvient à faire parvenir au ministre de la Guerre, le duc de Feltre, un billet glissé dans la jarretière d’une femme, dans lequel il sollicite l’aide du roi. Le général de Rochechouart, commandant la place de Paris, est envoyé à son secours. Le récit de ce dernier témoigne de l’extraordinaire courage du général Daumesnil, qui résiste avec une armée inférieure à 200 sous-officiers. Cinq mois après il capitule devant les Bourbons et sort de la forteresse avec le drapeau tricolore. Le 8 septembre de la même année, Daumesnil est mis à la retraite par le gouvernement royal.

Le baron Daumesnil vit dans la retraite quand la révolution de Juillet 1830 éclate : un des premiers actes du gouvernement est de lui rendre le commandement de Vincennes, dont la Restauration l’a dépouillé. Il y rentre le 5 août, et est promu au grade de lieutenant-général le 27 février 1831.

Les ministres de Charles X étaient emprisonnés au donjon de la forteresse, en attendant que la Cour des pairs se prononçât sur leur sort. Quand le peuple exalté sous les murs de Vincennes demanda la tête des ministres, Daumesnil lui répond : « Ils n'appartiennent qu'à la loi, vous ne les aurez qu'avec ma vie, » et son énergie ramène bientôt à la raison cette multitude égarée. Lorsqu’il faut transférer les ministres à la maison d’arrêt de la Chambre des pairs, on craint une nouvelle tentative contre leur vie. L’un d’eux est malade. Daumesnil, en grand uniforme le place à ses côtés, dans sa voiture, et aussi intrépide que généreux, il traverse la foule silencieuse et menaçante qui afflue sur son passage. Il se dirige au pas vers le palais du Luxembourg, et remet, sain et sauf, au commandant du palais le proscrit confié à sa garde.

Le baron Daumesnil est mort du choléra à Vincennes le 17 août 1832. Les Chambres accordent une pension à sa veuve.

Elle est nommée par Napoléon III surintendante de la maison impériale de Saint-Denis.

On devait bien une avenue à ce héros, non ?

Quelle époque, et quels hommes !

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