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Ça s'est passé à Paris un 25 juin

Écrit le mercredi 21 juin 2017 10:01

mercredi, 21 juin 2017 10:01

Ça s'est passé à Paris un 25 juin

Le 25 juin 1795

Création du Bureau des longitudes

 


Depuis 1678, un des astronomes de l’Académie publiait chaque année, sous le nom de Connaissance des temps, des éphémérides des positions de la lune, du soleil et des planètes, le calcul des éclipses..., renseignements utiles aux astronomes, mais indispensables surtout aux navigateurs dont les astres étaient, à proprement parler, les seuls points de repère.

La Connaissance des temps, fondée par Picard, fut continuée par Lefebvre, de 1685 à 1701 ; Lieutaud lui succéda et en poursuivit la publication jusqu’en 1729. Godin la prit en 1729, Maraldi en 1734, et en 1760 Jérôme Lalande en fut chargé. Il y introduisit des modifications importantes destinées à rendre ce travail plus utile aux marins ; c’est lui qui le premier y joignit des articles sur les différents points de l’astronomie, articles qui sont l’origine de ce que l’on appelle aujourd’hui les Additions à la Connaissance des temps. En 1788, Méchain fut nommé directeur de la Connaissance des temps, qu’il dirigea jusqu’en 1795.

Il y avait dès 1766 en Angleterre un recueil analogue dont un astronome français, Lacaille, avait tracé la plan (en 1755) et qui fut fondé par Maskelyne, the Nautical Almanac and Astronomical Ephemeris for the year 1767 ; ce recueil, infiniment plus complet que la Connaissance des temps, paraissait bien avant elle, de telle sorte que les marins délaissaient le recueil français pour prendre le Nautical Almanac.

Frappée de cet état de choses, avec lequel l’intériorité de notre marine n’était peut-être point sans quelque rapport, la Convention résolut de faire de la publication de la Connaissance des temps et de toute l’astronomie maritime un grand service public ; il eût été naturel et en même temps logique de faire comme en Angleterre, où le Nautical Almanac est rédigé sous la surveillance des lords de l’amirauté par un superintendant aidé d’un bureau des calculs, et de confier au ministère de la marine et à ses officiers généraux la direction de leurs intérêts immédiats ; mais la Connaissance des temps appartenait depuis longtemps à l’Académie, et la Convention nationale n’osa peut-être pas en dessaisir les astronomes de cette assemblée.

Dès lors, par une pente insensible, mais que l’on devait presque fatalement suivre, on fut conduit à confier à ces mêmes savants la direction de l’astronomie française tout entière. C’est leur réunion qui forma le Bureau des longitudes. Le décret d’établissement de celui-ci est du 7 messidor an III (25 juin 1795). Les articles les plus importants sont les suivants :

Article II. Le Bureau des Longitudes a dans ses attributions l’Observatoire national de Paris et celui de la ci-devant école militaire, les logements qui y sont attachés et tousles instruments d’astronomie qui appartiennent à la nation.

Article III. Il indiquera aux comités de marine et d’instruction publique, pour en faire un rapport à la Convention nationale, le nombre des observatoires à conserver et à établir un service de la république.

Article IV. Il correspondra avec les autres observatoires tant de la république que des pays étrangers.

Article V. Le Bureau des longitudes est chargé de rédiger la Connaissance des temps, qui sera imprimée aux frais de la République, de manière qu’on puisse toujours avoir les éditions de plusieurs années à l’avance ; il perfectionnera les tables astronomiques et les méthodes des longitudes, et s’occupera de la publication des observations astronomiques et météorologiques.

Article VI. Un des membres du Bureau des Longitudes fera chaque année un cours d’astronomie.

Article VII. Le Bureau des Longitudes rendra annuellement un compte de ses travaux dans une séance publique (cet article resta lettre morte).

Article VIII. Il est composé de :
1° Deux géomètres (Lagrange et Laplace)
2° Quatre astronomes (Lalande, Cassini, Méchain et Delambre)
3° Deux anciens navigateurs (Borda, Bougainville)
4° Un géographe (Buache)
5° Un artiste (Caroché).

Article XII. Il y aura quatre membres adjoints nommés par le Bureau pour travailler sous sa direction aux observations et aux calculs.

Article XIII. Le traitement des membres composant le Bureau des longitudes est fixé à 8000 livres, et celui des adjoints a 4000 livres.

Au premier abord, la grandeur et la magnificence de l’idée originelle de la Convention frappe tous les esprits. Il existe une science splendide, utile, belle entre toutes, l’astronomie ; on réunit pour la cultiver, pour en hâter les progrès, les discuter, les confirmer, tout ce que la nation renferme d’hommes éminents, dont les travaux touchent à cette science.

Mais confier à ces quelques personnes, pour éminentes qu’elles soient, cinq ou six besognes, l’astronomie en général et toutes ses dépendances, l’observatoire national, les observatoires, la marine, les observatoires de la marine, la Connaissance des temps, la publication et le calcul des observations, la géodésie, la construction des instruments... n’était point une idée pratique bien que séduisante.

Certes, la liste des savants français que la Convention appela à faire partie du Bureau des Longitudes est remarquable et telle qu’en aucun temps, peut-être, aucune nation n’avait pu offrir un pareil ensemble ; mais le travail qu’ils avaient à faire était trop varié. Parmi les dix membres dont le Bureau se composait alors, quatre étaient réellement astronomes. Ils étaient donc chargés par l’assemblée elle-même de traiter toutes les questions relatives à l’astronomie. On y rencontre aussi deux anciens navigateurs, Borda et Bougainville. A eux seuls incombaient les questions maritimes.

On y voit encore deux géomètres et, à vrai dire, des plus illustres, de ceux dont tout savant français ne doit prononcer le nom qu’avec respect, Lagrange et Laplace ; leur préoccupation constante avait été de déduire de la loi générale énoncée par Newton toutes les conséquences qui en résultent pour la marche journalière des astres de notre système planétaire ; mais ils n’étaient point familiarisés avec les méthodes d’observations astronomiques, et n’avaient point étudié les perfectionnements qu’elles comportaient. Ce n’était point, à proprement parler, des astronomes ; à eux étaient confiées toutes les questions de mécanique céleste. Il y avait aussi un géographe, il était évidemment le rapporteur né, c’est-à-dire le seul membre actif de toutes les commissions relatives à la géographie.

En résumé, dans ce décret du 7 messidor an III, l’État, par cette réunion même de savants, allait contre le but qu’il s’était proposé, et la suite l’a bien prouvé. Dans cette organisation, les connaissances spéciales sont entravées par des discussions journalières ; la responsabilité des hommes d’initiative disparaît, la gloire qui peut en rejaillir sur leur nom, et c’est la plupart du temps le déterminant le plus puissant de leurs efforts, ils sont obligés de la partager ; mais quand une faute a été commise, ce corps tout entier que l’État paye et entretient la couvre de sa réputation imméritée et de l’appui que la loi lui a donné.

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