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Ça s'est passé à Paris un 17 février

Écrit le jeudi 16 février 2017 19:53

jeudi, 16 février 2017 19:53

Ça s'est passé à Paris un 17 février

Le 17 février 1673

Molière s'en va

 

La dernière pièce que Molière composa, fut le Malade imaginaire. Il y avait quelque temps que sa poitrine était attaquée, et qu’il crachait quelquefois le sang. Le jour de la troisième représentation, il se sentit plus incommodé qu’auparavant ; on lui conseilla de ne point jouer ; mais il voulut faire un effort sur lui-même, et cet effort lui coûta la vie. Il lui prit une convulsion en prononçant Juro, dans le divertissement de la réception du Malade imaginaire ; on le rapporta mourant chez lui, rue de Richelieu ; il fut assisté quelques moments par deux de ces religieuses qui venaient quêter à Paris pendant le carême, et qu’il logeait chez lui ; il mourut entre leurs bras, étouffé par le sang qui lui sortait par la bouche, à l’âge de cinquante-trois ans.

D’autres ont prétendu qu’il avait laissé la vie sur le théâtre, à l’instant même où il çontrefaisait le mort, dans le Malade imaginaire ; cette affreuse circonstance, source des réflexions les plus tristes, ne fit dans le temps que fournir matière à beaucoup d’épigrammes ; telle est la mode en France. Voici la moins mauvaise de ces épigrammes :

Passant, ici repose un qu’on dit être mort,
Je ne sais s’il l’est ou s’il dort :
Sa maladie imaginaire
Ne peut l’avoir fait mourir ;
C’est un tour qu’il joue à plaisir,
Car il aimait à contrefaire.
Quoi qu’il en soit : ci-gît Molière.
Comme il était grand comédien,
S’il fait le mort, il le fait bien.

Le curé de Saint-Eustache, ayant fait refuser à Molière la sépulture ecclésiastique, sa veuve courut à Versailles se jeter aux pieds du roi, en criant :
« Quoi ! l’on refuse la sépulture à celui auquel on devrait élever des autels ! » Le sage monarque excusa cet enthousiasme d’une femme égarée par la douleur ; il reçut avec bonté ses plaintes ; mais il la renvoya par-devant l’archevêque de Paris. Madame Molière jugeant bien que ses exclamations ne réussiraient pas à ce tribunal, baissa beaucoup le ton, et présenta un placet très humble à monseigneur l’illustrissime et révérendissime archevêque de Paris.

Elle y expose que son mari Molière, voulant mourir en bon chrétien, avait envoyé son valet et sa servante chercher un prêtre à Saint-Eustache ; qu’il s’était adressé à deux prêtres habitués de cette paroisse, nommés l’Enfant et le Chat, qui avaient refusé de venir ; que le sieur Jean Aubry, son beau-frère, y était allé à son tour, et avait fait lever un nommé Paysant, aussi prêtre habitué, lequel, étant arrivé, avait trouvé Molière mort. La veuve ajoute dans son placet, que M. Bernard, prêtre habitué de l’église de Saint-Germain, avait administré les sacrements à son mari, à Pâques dernier.

L’archevêque de Harlay permit au curé de Saint-Eustache de faire inhumer Molière sans aucune pompe, avec deux prêtres seulement ; mais il défendit de faire aucun service solennel pour lui, ni dans ladite paroisse de Saint-Eustache, ni ailleurs, même dans aucune église de réguliers, le tout sans préjudice aux règles du rituel de Paris. En conséquence, Molière fut enterré dans la chapelle de Saint-Joseph, dépendante de la paroisse Saint-Eustache.

La difficulté qu’on fit de donner la sépulture à Molière, et les injustices qu’il avait essuyées pendant sa vie, engagèrent le célèbre père Bouhours, jésuite, à lui composer l’épitaphe suivante :

Tu réformas et la ville et la cour,
Mais quelle en fut la récompense ?
Les Français rougiront un jour
De leur peu de reconnaissance.
Il leur fallut un comédien,
Qui mit à les polir sa gloire et son étude ;
Mais Molière, à ta gloire il ne manquerait rien,
Si, parmi les défauts que tu peignis si bien,
Tu les avais repris de leur ingratitude.

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