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Ça s'est passé à Paris un 8 février

Écrit le mercredi 8 février 2017 04:46

mercredi, 08 février 2017 04:46

Ça s'est passé à Paris un 8 février

Le 8 février 1810

Naissance du père de l'occultisme français, Eliphas Lévi


Alphonse-Louis Constant naquit le 8 février 1810, au nº5 de la rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés (devenue depuis rue de l'Ancienne-Comédie) à Paris, de Jean Joseph Constant et Jeanne Agnès Beaucourt. Il fut baptisé en l'église Saint-André-des-Arts. Son père était cordonnier. Grâce à l'abbé J.-B. Hubault Malmaison, qui avait organisé dans sa paroisse un collège dispensant gratuitement les bases de l'instruction aux enfants pauvres, il fit ses premières études, puis entra en 1825 au petit séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet, dirigé alors par l'abbé Frère-Colonna, qui l'orienta peut-être déjà vers l'étude de la magie.

En 1830, ayant terminé sa rhétorique, il passa selon la règle au séminaire d'Issy pour finir ses deux années de philosophie. La mort de son père intervint cette même année. Après Issy, il aboutit au séminaire de Saint-Sulpice pour faire sa théologie. Il y fut ordonné sous-diacre et tonsuré. En 1835, alors qu'il avait la charge de l'un des catéchismes de jeunes filles de Saint-Sulpice, la jeune Adèle Allenbach lui fut confiée par sa mère, avec mission de « la protéger tout spécialement et de l'instruire à part, comme si elle était la fille d'un prince ».

Le jeune abbé tomba peu à peu éperdument amoureux de sa protégée, en qui il crut voir la Sainte Vierge apparue sous une forme charnelle. Ordonné diacre le 19 décembre 1835, il quitta finalement le séminaire en juin 1836 avant de recevoir le sacrement de l'ordre ; mais entre-temps la jeune fille pour laquelle il s'était perdu l'avait délaissé.

En 1838, il se lia d’amitié avec la socialiste Flora Tristan (qui sera la grand-mère du peintre Paul Gauguin), et collabora avec Alphonse Esquiros, rencontré au petit séminaire, à une revue, Les Belles Femmes de Paris, qui révéla au public ses dons de dessinateur. Alors qu'il parcourait les salons pour sa revue, il fit un jour la connaissance d'Honoré de Balzac, alors en pleine gloire, chez Mme de Girardin.

Songeant encore à accéder à la prêtrise, il partit pour l’abbaye de Solesmes, bien résolu à y passer le reste de ses jours. L'abbaye possédait une bibliothèque d'environ 20 000 volumes, dans laquelle il puisa abondamment. Il étudia la doctrine des anciens gnostiques, celle des pères de l'Église primitive, les livres de Cassien et d'autres ascètes, les pieux écrits des mystiques, et spécialement les livres de Mme Guyon. Durant son séjour, il fit paraître son premier ouvrage : le Rosier de Mai (1839). À cause d'une mésentente avec l'abbé de Solesmes, A. Constant quitta finalement l'abbaye au bout d'un an, sans le sou.

En intercédant auprès de l'archevêque de Paris, Mgr Affre, il finit par obtenir un poste de surveillant au collège de Juilly. Ses supérieurs le maltraitaient, et dans son écœurement il composa, au grand scandale du clergé et des bien-pensants, la Bible de la liberté (1841). L'ouvrage parut le 13 février et fut saisi à Versailles une heure après sa mise en vente. Un grand nombre d'exemplaires purent tout de même être sauvés, et l'abbé Constant fut arrêté dans les premiers jours du mois d'avril. Le procès eut lieu le 11 mai 1841, l'abbé fut condamné à 8 mois de prison et 300 francs d'amende. À la prison de Sainte-Pélagie, où il passa 11 mois (n'ayant vraisemblablement pas de quoi régler l'amende...) il retrouva son ami Esquiros et l'abbé de Lamennais. Tous les moyens furent apparemment employés pour le faire mourir de chagrin et de misère. On intercepta ses lettres pour en dénaturer le sens, l'accusa d'être un vendu à la police, et il dut en outre subir l'animosité de certains autres détenus. Il chercha des consolations dans l'étude, lisant pour la première fois les écrits de Swedenborg. Mais ses amis du dehors ne l'oubliaient pas. Une certaine Mme Legrand, très riche amie de Flora Tristan, fit en sorte d'adoucir l'ordinaire du prisonnier en lui faisant porter une nourriture plus variée.

Les idées utopistes et humanitaires du temps l’absorbèrent alors tout entier. Deux mouvements surtout suscitèrent de sa part de profondes et longues méditations : le saint-simonisme et le fouriérisme.

En 1845, dans le Livre des larmes, il développe pour la première fois des notions ésotérisantes. Durant cette période, il compose aussi des chansons et illustre deux ouvrages d'Alexandre Dumas : Louis XIV et son siècle et le Comte de Monte-Cristo.

Il lit la Kabbala Denudata de Knorr de Rosenroth, étudie les écrits de Jacob Boehme, Louis-Claude de Saint-Martin, Emanuel Swedenborg, Antoine Fabre d'Olivet, Chaho, et Görres.

Fin 1850, il rencontre l’abbé Jacques Paul Migne, fondateur et directeur de la librairie ecclésiastique de Montrouge, qui lui commande pour sa collection un Dictionnaire de la littérature chrétienne. Paru en 1851, l'ouvrage étonne par la science profonde qu'il renferme. Vers cette époque A. Constant rencontre le savant polonais Hoëné-Wronski, dont l’œuvre fait sur lui une impression durable et l’oriente vers la pensée mathématique et le messianisme napoléonien. Commence alors la rédaction du Dogme et rituel de la haute magie. Il prend le pseudonyme d'Éliphas Lévi, ou Éliphas Lévi Zahed (traduction en hébreu de Alphonse-Louis Constant) que lui avait légué l'Ordre Hermétique de la Rose-Croix Universelle.

Au printemps 1854, il se rend à Londres, y rencontre le Dr Ashburner et Edward Bulwer-Lytton, célèbre auteur de romans fantastiques (Zanoni, le Maître Rose-Croix est son ouvrage le plus connu), qui devient son ami et le fait admettre au sein des cercles rosicruciens. Encouragé par une amie de celui-ci initiée de haut grade, il tente une série d'évocations. Au cours de l'une d'elles, le fantôme d’Apollonius de Tyane lui apparaît en lui indiquant l'endroit de Londres où il pourrait trouver son Nyctemeron (cf. le récit du séjour dans Dogme et rituel de la haute magie, pages 132 à 135). Pourtant Éliphas Lévi demeurera toujours opposé aux expériences de magie. Quand plus tard il eut quelques disciples, il leur fit promettre de ne jamais tenter la plus petite expérience et de ne s'occuper que de la partie spéculative de la philosophie occulte.

Le 3 janvier 1857, un événement sanglant plonge Paris dans la stupeur. L'archevêque de Paris, monseigneur Sibour, est assassiné par un prêtre interdit, Louis Verger, alors qu'il inaugurait la neuvaine de Sainte Geneviève à Saint-Étienne-du-Mont. Les deux nuits précédentes, Éliphas avait fait (selon ses dires) un rêve prémonitoire qui se terminait pas les paroles : « viens voir ton père qui va mourir ! ». Son père étant mort depuis longtemps, il n'en comprit pas immédiatement le sens. Le 3 janvier vers quatre heures de l'après-midi, Éliphas se trouvait parmi les pèlerins qui assistaient à l'office au cours duquel l'archevêque devait succomber. Mais ce n'est qu'en lisant plus tard la description de l'assassin dans les journaux, qu'il se souvint d'un prêtre pâle rencontré avec Desbarolles un an auparavant chez Mme A. et qui cherchait le grimoire d'Honorius. Cet épisode est relaté en détail dans la Clef des grands mystères (1861), pages 139 à 151.

En 1859, la publication de l'Histoire de la magie lui rapporte 1 000 francs, ce qui est une somme pour l'époque, et le consacre en attirant à lui la plupart des ésotérisants français (notamment Henri Delaage, Luc Desages, Paul Auguez, Jean-Marie Ragon, Henri Favre, et le docteur Fernand Rozier, que l'on retrouvera plus tard aux côtés de Papus). Il connut aussi le cartomancien Edmond et le magnétiseur Cahagnet.

Le Maître travaille beaucoup, initiant à l'occultisme des érudits appartenant à la plus haute aristocratie, et même l'évêque d'Évreux, Mgr Devoucoux, à qui il donne des leçons de Qabbale. Grâce à l'argent perçu en rémunération de ses leçons, il vit dans un relatif confort matériel, enrichissant sans cesse sa bibliothèque. Avec le comte Alexandre Branicki, hermétiste, il réussit quelques expériences probantes du Grand Œuvre dans un laboratoire installé au château de Beauregard, à Villeneuve-Saint-Georges.

En mai 1861, il retourne à Londres, accompagné du comte Alexandre Branicki, passer quelques mois auprès de Bulwer-Lytton, arrivé cette année-là à la tête de la Rosicrucian Society of England. Au cours de ce deuxième séjour, Éliphas Lévi rend plusieurs fois visite à Eugène Vintras, qui lui avait envoyé deux de ses disciples pour l'inviter des années auparavant. Il le considère non pas comme un prophète, mais comme un médium singulier, un intéressant sujet d'études, et lui achète même son livre l'Évangile éternel.

En juillet 1861, le baron italien N-J Spedalieri avait acheté chez un libraire de Marseille le Dogme et rituel de la haute magie et décidait de prendre contact avec l'auteur. S'ensuivit une correspondance de plus de 1 000 lettres qui dura du 24 octobre 1861 au 14 février 1874. C'est un cours de Qabbale unique, précis, rempli de figures explicatives et d'anecdotes. Spedalieri fut l'un des plus importants mécènes du professeur de sciences occultes.

Rentré à Paris, Éliphas Lévi publie le Sorcier de Meudon, dédié à Mme de Balzac (Ewelina Rzewuska Comtesse Hanska). Depuis son retour de Londres, il assiste régulièrement aux réunions maçonniques de la loge Rose du parfait silence. Le 21 août 1861, on lui confère le grade de Maître. À la suite d'un long discours sur les Mystères de l'initiation qu'il prononça le mois suivant, un Frère, le professeur Ganeval, ayant voulu présenter quelques observations sur ce qui venait d'être dit, se heurta aux protestations d'Éliphas, qui se retira et ne reparut plus en loge. Les tentatives de Caubet pour le faire revenir sur sa décision le lendemain furent infructueuses.

Le 29 août 1862 paraît Fables et symboles, ouvrage dans lequel Éliphas Lévi analyse les symboles de Pythagore, des Évangiles apocryphes, du Talmud...etc. Quelques fois il fréquente incognito les réunions spirites pour se documenter. Pierre Christian, auteur de l'étrange roman l'Homme rouge des Tuileries, fut le voisin et l'ami d'Éliphas et profita de ses entretiens et de ses leçons toutes bénévoles. En 1863 meurt Louis Lucas, chimiste initié aux secrets d'Hermès, disciple de Wronski et ami d'Éliphas.

Le 15 mai 1864, Éliphas déménage dans un trois pièces au 2e étage du nº 155 rue de Sèvres, sa dernière demeure. En 1865 paraît la Science des esprits, recueil d'essais traitant à nouveau du symbolisme des Évangiles apocryphes, du Talmud, etc.(absolument rien à voir avec le spiritisme). À l'été 1865, l'éditeur Larousse lui demande d'écrire quelques articles de Qabbale pour son Grand Dictionnaire. Il travaille en même temps à un ouvrage superbe, mais d’une valeur historique contestable, le Livre des splendeurs, qui traite surtout de la Qabbale du Zohar et qui ne paraîtra qu’après sa mort. À cette époque il commence à ressentir souvent des douleurs névralgiques à la tête, qui le font beaucoup souffrir.

L'année 1874 fut très douloureuse à passer : une bronchite assez grave, des étouffements, et une fièvre persistante ne lui laissèrent presque aucun repos. Ses jambes s'enflèrent peu à peu et une sorte d'éléphantiasis se déclara bientôt. En janvier 1875, le Maître achève son dernier manuscrit : le Catéchisme de la paix. Le 31 mai 1875, il s'éteint au nº 155 rue de Sèvres, à l'âge de 65 ans. On l'inhuma au cimetière d'Ivry, une simple croix de bois marquant l'emplacement de sa tombe. En 1881, son corps fut exhumé et ses restes placés dans la fosse commune.

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