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Mais que fait la police?

Écrit le vendredi 20 avril 2018 06:19

vendredi, 20 avril 2018 06:19

Mais que fait la police?

Mais que fait la police?

 


Paris est infesté de malandrins de toute espèce, c’est indéniable, lit-on en 1911 dans Le Petit Parisien, ajoutant qu’on joue du couteau à toute heure de jour et de nuit et le revolver entre en scène pour des motifs souvent futiles. Tout le monde se plaint alors de cette lamentable situation, et chacun a soin d’ajouter : Que fait donc la police ? Pourtant, rien qu’à Paris, la préfecture arguait d’avoir procédé à 76 942 arrestations en 1909.
S’il est vrai, hélas !... que l’armée du crime augmente dans des proportions inquiétantes, les collaborateurs de M. Lépine [alors préfet de police de la Seine] ne doivent point, quoi qu’en pensent la plupart des Parisiens, en être rendus responsables. Les fonctionnaires à qui incombe la lourde tâche de protéger les honnêtes habitants de la capitale contre les entreprises coupables des Cartouches et des Mandrins modernes, font leur devoir, tout leur devoir, ainsi qu’en témoigne la statistique détaillée et rigoureusement exacte que l’on trouvera ci-dessous.

Si le mal, au lieu de s’atténuer, en dépit d’une répression sévère, va en s’aggravant, c’est qu’il y a, à ce déplorable état de choses, des causes autrement sérieuses qu’une trop grande mansuétude de la police. Les agents, nous ne saurions trop le répéter, accomplissent consciencieusement leur mission. Il appartient aux sociologues, aux légistes et aux magistrats de les seconder, chacun dans la mesure de ses attributions.

Voici l’état statistique des individus écroués au dépôt pour crimes et délits, au cours de l’année 1909 :

Nombre de personnes écrouées :
Hommes : 20594, dont 6108 nés à Paris, 12808 nés en province, 1678 nés à l’étranger
Femmes : 3230, dont 728 nées à Paris, 2268 nées en Province, 234 nées à l’étranger
Total : 23824 individus des deux sexes, dont 6836 nés à Paris, 15076 nés en province, 1912 nés à l’étranger.

On a donc arrêté, durant les 12 mois de l’année 1909, 16988 provinciaux et étrangers, pour méfaits de toutes natures, commis dans le département de la Seine, alors que 6836 Parisiens seulement ont eu maille à partir avec la police. Combien de ces malheureux, victimes de l’irrésistible mirage, étaient venus dans la grande ville avec la ferme intention d’y gagner honnêtement leur vie. Le chômage forcé, les fréquentations dangereuses, la passion du jeu, l’abus de l’alcool en ont fait des malfaiteurs, des mendiants, des vagabonds.

Le plus grand nombre de ces 20594 individus ont été arrêtés par le service de la sûreté, à la suite d’enquêtes, de « filatures » souvent laborieuses. Or, sait-on combien d’hommes M. Hamard peut mettre en mouvement ?... Quatre cents environ !... Il y a eu 27 arrestations pour assassinats et tentatives d’assassinat ; 1374 pour coups et blessures ; 13 pour attaques nocturnes ; 355 pour meurtres ; 2101 pour rébellion et outrages aux agents ; 336 pour port d’armes prohibées ; 518 pour vagabondage spécial ; 88 pour fabrication et émission de fausse monnaie ; 123 pour désertion et insoumission ; 874 pour abus de confiance ; 791 pour infraction à des arrêtés d’interdiction de séjour ; 119 pour menaces de mort ; 263 pour ivresse ; 9 pour infanticide ; 8 pour abandon d’enfant ; 86 pour viol et attentat à la pudeur ; 12 pour violation de domicile ; 61 pour falsification de denrées ; 2 pour adultère...

Parmi les 20594 malfaiteurs et mendiants écroués, 935 n’avaient pas encore atteint la seizième année ; 5483 étaient âgés de 16 à 20 ans ; 7895 de 21 à 30 ans ; 4594 de 31 à 40 ans ; 2983 de 41 à 50 ans ; 1263 de 51 à 60 ans ; 660 de 61 à 80 ans ; 11 de 81 ans et au-dessus. Ainsi, on a dû appréhender, en 1909, pour les méfaits les plus divers 14313 hommes et femmes n’ayant pas dépassé la trentaine, c’est-à-dire se trouvant dans la plénitude de leurs forces. Il est pénible d’avoir à faire de telles constatations...

Mais ce n’est pas tout. Il est une autre armée, dont, jusqu’ici, nous n’avons point parlé. C’est celle des tristes créatures qui font commerce de leurs charmes et dont s’occupe particulièrement la police des mœurs. N’est-ce pas plutôt le mot « troupeau » que l’on doit employer en la circonstance ? Elles sont au nombre de 51033 les malheureuses que le « panier à salade » a conduites, en 1909, à la permanence du dépôt. 63 n’avaient pas 16 ans ; 9660 étaient âgées de 16 à 20 ans ; 28888 de 21 à 30 ans ; 7787 de 31 à 40 ans ; 3496 de 41 à 50 ans ; 970 de 51 à 60 ans ; 169 de 61 ans et au-dessus. Enfin, nous ajouterons que le 5e bureau de la préfecture de police a eu à s’occuper de l’arrestation et de l’hospitalisation de 2085 aliénés, ce qui porte le total des arrestations au chiffre de 76942.

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