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Petite histoire de l'horlogerie

Écrit le samedi 14 avril 2018 02:29

samedi, 14 avril 2018 02:29

Petite histoire de l'horlogerie

Petite histoire de l'horlogerie



Les annales d’Eginhard nous montrent que vers la fin du IXe siècle les horlogers mécaniciens orientaux étaient assez habiles pour construire des machines à marquer l’heure, agrémentées de sonnerie et de personnages
Les ambassadeurs d’Aroun-al-Raschid firent don à l’empereur Charlemagne d’une horloge faite de telle sorte qu’elle laissait tomber des poids sur des cymbales à chaque heure, et qu’alors douze hommes armés sortaient de douze fenêtres, comme on peut le voir encore de nos jours à Strasbourg ou à Besançon.

Mais il y avait encore très loin de ces clepsydres ou horloges à eau plus ou moins perfectionnées aux horloges articulées et réglées qui leur seront substituées plus tard. On s’accorde généralement à faire honneur de cette invention ou de ce perfectionnement au moine Gerbert, depuis pape sous le nom de Sylvestre II.

Nous n’avons point à répéter une fois de plus cette très vieille légende. Parti en Espagne après ses voeux monastiques, Gerbert d’Aurillac poussa si loin les sciences exactes qu’on ne manqua point de le réputer sorcier. Il dut s’enfuir de Salamanque et devint archevêque de Reims.

Quelle fut la part réelle du savant moine dans la découverte de l’horlogerie en tant que combinaison de rouages obéissant à un agent propulseur ? Selon certains auteurs il aurait découvert l’échappement, ce qui est peu vraisemblable. La théorie du poids suspendu agissant comme moteur paraîtrait plus vraisemblablement devoir lui être attribuée. Il n’en reste pas moins un fait acquis, c’est que les sabliers et les clepsydres persistèrent encore pendant plusieurs siècles en dépit de ces trouvailles, et les horlogers n’existèrent point en corps constitué au temps d’Étienne Boileau. Il en était de ces fabricants d’objets de précision à cette époque comme des philosophes indépendants, on les croyait sorciers, et le bûcher en avait maintes fois raison.

Cependant des moines éclairés ne dédaignèrent point de gratifier leurs monastères de ces instruments réprouvés. Nous voyons dans les Usages de l’ordre de Citeaux au XIIe siècle, que le sacristain est réveillé par l’horloge quand il a pris soin de la régler d’avance. Peut-être n’était-ce là qu’un instrument construit sur le modèle de l’horloge d’Aroun, et fonctionnant par l’eau ou le sable ; car il faut arriver au XIVe siècle pour trouver une véritable machine tournant à roues et portant des poids.

Un moine de Saint-Alban en Angleterre, nommé Wallingford, en construisit une qui marquait l’heure et sonnait merveilleusement. De l’Angleterre la découverte vint dans les Flandres, qui eurent bientôt une sorte de monopole de fabrication, et au milieu du XIVe siècle le perfectionnement avait déjà fait de rapides progrès. Vers ce temps, le duc Philippe le Hardi, ayant remarqué la curieuse horloge de Courtrai ornée de ses Jaquemarts ou petites poupées frappant l’heure, l’enleva, au dire de Froissart, et la transporta à Dijon. Ce fut là sans doute le point de départ de cette spécialité d’horlogerie que nous aurons occasion de signaler tout à l’heure en parlant de Dijon.

Ce fut aussi là l’origine de ces fameuses histoires des Jaquemarts, qui personnifièrent longtemps dans les villes la figure de quelque sauveur de la cité, par une confusion entre ces figurines et l’ancien guetteur de ville, homme de chair et d’os, autrefois perché au beffroi et criant l’heure. Les fonctions de ce gardien de ville lui avaient fait souvent préserver les places fortes des coups de main si ordinaires au Moyen Age ; les légendes du peuple assimilèrent bientôt à ce guetteur la poupée de métal frappant le timbre aux heures de nuit et de jour, et les Jaquemarts restèrent et resteront encore longtemps la statuette de quelque modeste rival de Jeanne Hachette ou de Marie Fouré.

L’usage de faire frapper par les guetteurs le timbre des horloges ne fut point aboli par les Jaquemarts du jour au lendemain ; ils persistèrent longtemps, et les villes des Flandres avaient déjà leurs horloges à sonnerie que les veilleurs du Louvre criaient et battaient encore l’heure. Vers 1370 cependant, les maîtres horlogers avaient déjà pris consistance à Paris ; mais aucun d’eux ne devint célèbre.

Il appartenait à l’Allemagne de nous envoyer Jean de Vic pour construire la célèbre horloge du Palais. Jean de Dondis avait déjà fabriqué celle de Padoue, et le nom de Jean aux Horloges lui en était resté. L’Angleterre avait eu Willingford.

Il est curieux de voir quels étaient, à cette époque, les efforts des villes pour se munir d’instruments réglés qui missent un terme aux intermittences parfois un peu exagérées des sonneurs. Vers l’extrême commencement du XVe siècle, Montpellier fit venir de Dijon, la ville aux Jaquemarts, une horloge à sonnerie. Charles VI aida la cité pour cette acquisition considérable, et dans les motifs qu’on fit valoir afin de justifier cette mesure dispendieuse, on lit que « l’orloge qu’ilz ont présente sonne par le ministère d’un homme et n’est point certain ne véritable ».

Il se trouva pourtant que l’horloge, un peu petite, ne suffit bientôt plus. On s’en fut cette fois à Avignon où l’industrie avait un praticien célèbre, et on fit prix avec lui. Ici nous rencontrons un des points les plus intéressants de la construction mécanique au XVe siècle, dans l’association de Girardin Petit, l’artiste d’Avignon, avec un Nîmois, Pierre Ludovic, serrurier habile. Ce dernier devait faire le gros œuvre ; l’horloger réglait le tout. Il garantissait trois ans son travail, comme font aujourd’hui les fabricants de Genève ou de Besançon. Il surveillait même les accessoires, tels que la roue à remonter les poids, et les appels de la sonnerie. Malgré la garantie, l’horloge eut souvent besoin d’être réparée, et, en 1444, Charles VII fut obligé d’imposer un subside pour pourvoir à la restauration.

D’après ce qui précède, on voit que les serruriers travaillaient au mécanisme intérieur. Les pièces les plus délicates étaient sans doute dégrossies par eux et mises au point par l’horloger. Le compte de l’un d’eux, Colin Bertrand de Romans, entre dans quelques détails sur les pièces du mécanisme. Il énumère la roue volante, la roue de sonnerie, la roue des heures, la roue qui fait marcher la main, « la roda que fa anar la man », c’est-à-dire la roue de l’aiguille. A cette époque, l’aiguille était figurée par une main indicatrice qui, par une suite de déformations, en vint à représenter nos aiguilles actuelles avec un léger renflement à l’extrémité. Tout cela était à peine répandu encore, et, à part les grandes villes ou quelques riches châteaux, les horloges ne se rencontraient guère. Leurs poids suspendus, leur mécanisme un peu grossier, rendaient bien difficile celles de dimensions plus restreintes ; sans doute le Roman de la Rose parle d’horloges meubles.

Mais la clepsydre et le sablier fonctionnaient plus généralement et plus facilement. Pour répandre les horloges il fallait trouver autre chose. Ce fut environ au temps de Jeanne d’Arc qu’on inventa le ressort en spirale, qui agissait par la tension, et qui en se détendant produisait l’effort du poids suspendu. A dater de ce jour la montre moderne était trouvée, avec toutes les délicatesses de mécanisme et d’ornements qu’elle comporte. La mode en devint une fureur. Tout le monde a entendu parler de ces fameux œufs de Nuremberg fabriqués en Allemagne sous le règne de Louis XI, et qui semblaient alors des merveilles de difficulté.

Ils furent vite dépassés. Un duc d’Urbin recevait un jour une montre enchâssée dans une bague comme un petit diamant, et marchant bien. Nous disons qu’elle marchait bien, ce qui doit être une exagération, car le mécanisme en était encore très défectueux. En effet, le ressort agissait plus énergiquement, aussitôt remonté, que plus tard, lorsque la tension diminuait. La découverte de la fusée, c’est-à-dire d’un régulateur chargé d’unifier le mouvement et de le rendre continu, vint mettre un terme à toutes les irrégularités. Dès lors il paraissait bien que rien ne viendrait plus augmenter l’ensemble parfait de ces inventions merveilleuses.

Huyghens, au XVIIe siècle, apporta cependant un perfectionnement nouveau, non point aux montres, il est vrai, mais aux horloges qui devinrent dès lors des pendules. Les lois de Galilée sur les mouvements isochrones du pendule lui suggérèrent l’idée de substituer aux anciens poids un balancier qui, par une combinaison savante d’échappements, tantôt laisserait fuir et tantôt reprendrait la roue. Il appartenait au plus grand astronome du XVIIe siècle de perfectionner un des moyens d’observations les plus précieux.

Quant aux praticiens, que nous avons laissés pour suivre l’horlogerie dans ses développements successifs, nous les retrouvons, sous François Ier, très nombreux déjà à Paris et fabriquant en boutique de ces montres ovales, en croix, ovoïdes, que nous ont conservées les collections et les musées. Aussi bien le roi avait-il ses horlogers à lui, et même dans les châteaux royaux un praticien attitré qui les restaurait. Ce n’était point toujours là un horloger chargé de travaux délicats : il avait une forge, un étal, un tour, et des valets à sa disposition ; il travaillait le gros, plutôt à la façon des serruriers que nous voyions tout à l’heure, que suivant les procédés des « horlogeurs » de montres : c’était encore l’horloger du XIVe siècle dont nous parle Froissart :

Et pour ce que li orloge ne poet
Aller de soi ne noient ne se moet,
Pour ce il fault à sa propre besogne
Ung horlogier avoir, qui tart et tempre,
Diligemment l’administre et attempre,
Ses plons relieve et met à leur debvoir.

L’extension des œuvres d’horlogerie força le roi François Ier à réglementer le métier et à lui donner des statuts. Il y en avait eu précédemment en 1483, il les augmenta et les confirma en 1544. Ces mesures de police n’avaient rien de bien particulier. L’horloger devait un apprentissage de huit ans. Le chef-d’œuvre exigé pour passer maître était au moins la fabrication d’un réveille-matin. Les jurés étaient investis de pouvoirs étendus. Ils pouvaient entrer chez les maîtres à toute heure du jour et de la nuit, saisir ce qui était défectueux et le briser séance tenante. Les règlements relatifs à la matière employée différaient peu de ceux des orfèvres.

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