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20 novembre 1815: signature du traité de Paris après Waterloo

Écrit le jeudi 8 mars 2018 18:24

jeudi, 08 mars 2018 18:24

20 novembre 1815: signature du traité de Paris après Waterloo

20 novembre 1815: signature du traité de Paris après Waterloo



Quand la bataille de Waterloo et la capitulation de Paris eurent terminé la guerre des cent-jours, les opérations diplomatiques commencèrent. D’après la lettre formelle, tant du traité de Vienne que des manifestes dont les puissances avaient fait précéder leur entrée en campagne, la question semblait devoir être promptement et facilement résolue entre Louis XVIII et les rois, ses alliés, puisque, sur la réquisition des signataires du traité du 25 mars, Louis XVIII, considéré par eux comme seul représentant de la France, avait accédé à leur coalition.

Dans ces actes authentiques, les alliés avaient déclaré qu’ils prenaient les armes, non contre la France, qu’ils ne jugeaient pas complice de l’usurpation, mais contre Bonaparte seul, et uniquement pour assurer l’exécution du traité du 30 mai 1814, et pour replacer le royaume dans la situation politique, fondée par ce traité. Après Waterloo et la capitulation de Paris, le but annoncé était atteint. L’ennemi commun étant abattu et prisonnier, la perturbation, apportée par lui seul à l’exécution du traité du 30 mai, cessant, Louis XVIII, signataire du traité de Vienne, remontant sur son trône, l’ordre de choses institué en France par les puissances étrangères se rétablissant, les alliés n’avaient plus qu’à repasser les frontières, conformément à leurs paroles solennelles.

Mais cette distinction, que les étrangers avaient proclamée entre Bonaparte et le peuple français, cet isolement, dans lequel ils avaient voulu placer l’échappé de l’île d’Elbe, n’étaient, dans leur pensée, qu’une fiction, qu’un moyen de faciliter la victoire, en fomentant des divisions, en amenant des défections et d’affaiblir la résistance, en inspirant aux Français toute confiance dans la modération des vainqueurs. Une fois la victoire remportée, la résistance cessée, et la France occupée, les alliés passèrent l’éponge sur la ligne de séparation, si nettement tracée par eux, entre Napoléon et la nation française ; la France fut déclarée complice de l’attentat de Bonaparte contre la paix de l’Europe, elle fut déclarée battue à Waterloo, et, par conséquent, solidaire avec son empereur ; or, comme les étrangers ne pouvaient ravir à Bonaparte que sa vie ou sa liberté, ce fut sur le royaume de Louis XVIII, leur allié, qu’ils assouvirent leur avidité.

Que les alliés usassent de leur victoire, c’était juste ; qu’ils en abusassent, avec une brutalité sauvage, c’était naturel ; mais qu’au moment même où ils mentaient à leur foi, où il dépassaient de beaucoup les excès tant reprochés à l’empereur Napoléon, qu’à ce moment même, ils se proclamassent des héros de générosité, des champions de morale et de vertu, des redresseurs de torts politiques, c’était à soulever l’indignation dans tous les cœurs.

Le problème, que les puissances se proposèrent dans les premiers conciliabules, où les agents diplomatiques de leur allié, Louis XVIII, n’étaient pas même admis, fut celui-ci : trouver les moyens d’épuiser la France autant que possible, sans la réduire au désespoir. Cette crainte du désespoir de la France fut le seul frein qui contint une cupidité, une ambition délirantes, un égoïsme immense, une haine impitoyable. Inspirée par des motifs aussi absolus, assise sur des bases aussi immuables, leur résolution ne pouvait être ni influencée, ni modifiée par aucune de ces causes, qui, ordinairement, portent à la modération ou à la rigueur.

Leur parti était irrévocablement pris, quelque chose qu’il advint. Ainsi ils purent bien alléguer, pour colorer la dureté de leurs conditions, que le drapeau tricolore flottait encore sur d’héroïques citadelles ; que l’esprit général de la France était mauvais, menaçant pour la tranquillité future de l’Europe, et qu’il les obligeait à prendre des précautions ; mais ces allégations n’étaient que de vains prétextes, dont on se fut passé s’ils n’avaient point existé, et qu’on eut remplacé par d’autres déclamations, sans que le résultat définitif eût été altéré. Le principe unique, en vertu duquel les alliés traitèrent, fut, nous le répétons, que leur victoire devait leur rapporter tout ce qu’ils en pourraient tirer, sans soulever la France. S’ils prirent tant, c’est qu’ils le purent ; s’ils ne prirent point davantage, c’est qu’ils ne l’osèrent pas.

Les clauses du traité justifient rigoureusement cette interprétation de la pensée des alliés. Il y a duperie ou mauvaise foi, à prétendre que la générosité seule les empêcha d’aller plus loin. Après avoir tant fait, il n’y avait aucune modération à ne pas faire plus. S’ils avaient été capables de la moindre noblesse, de la moindre grandeur d’âme, si leur cupidité, leur ambition, leur égoïsme et leur haine n’eussent pas été absolument sans alliage, la pudeur les eût arrêtés bien avant le point où ils arrivèrent ; parvenus là, s’ils s’arrêtèrent, c’est qu’ils eurent peur d’avancer encore et aussi parce qu’il fut devenu difficile de partager de plus amples dépouilles territoriales. Il avait été question de démembrer la France.

Talleyrand, chef du ministère français, avait adopté pour système de défense contre les prétentions exagérées qu’il pressentait, de paraître ajouter foi et confiance absolues aux déclarations formelles des alliés ; s’appuyant sur le texte même de leurs actes, il avait, à l’occasion du pillage du Musée, avancé dans une note : « que la perturbation apportée à l’exécution du traité de paix du 30 mai 1814, entre la France et les puissances étrangères, avait cessé par la chute et la captivité de Bonaparte ; que ce traité n’était point rompu, puisque la guerre avait été faite par Bonaparte et non par la France, contre Bonaparte et non contre la France, que les choses étaient rétablies naturellement dans leur état antérieur aux cent-jours, et qu’il ne comprenait point, par conséquent, la nécessité d’un nouveau traité de paix sur des bases nouvelles. »

A cette note il avait été répondu par un ultimatum, duquel il résultait, sans qu’aucune explication fut d’ailleurs donnée, quant aux déclarations antérieures, que les alliés considéraient la France comme un pays conquis et qu’ils entendaient la traiter en pays conquis. La répugnance de Talleyrand à entrer en négociation sur des bases telles qu’elles étaient fixées par l’ultimatum, et d’autres causes, ayant amené la dissolution du ministère qu’il dirigeait, de Richelieu, président du nouveau conseil, poursuivit les opérations diplomatiques. Talleyrand, persuadé qu’il ne pouvait espérer des conditions meilleures qu’en relâchant le faisceau si compact que formaient les alliés, s’était efforcé de glisser entre eux quelque cause de désaccord, de dissentiment. Deux puissances, par leur position particulière, semblaient seules pouvoir être jusqu’à un certain point, mises en opposition avec les autres ; c’étaient l’Angleterre et la Russie.

Talleyrand avait travaillé sur l’Angleterre ; il n’avait guère réussi. Son successeur entra dans son plan de désunion ; mais ce fut vers la Russie qu’il se tourna. Ses relations antérieures avec l’empereur Alexandre lui permettaient quelque espoir. Les conditions de ce fatal traité de 1815, auquel de Richelieu, après deux mois de cruels débats, eut la douleur d’attacher son nom, prouvent que la bienveillance particulière de l’empereur de Russie ne fut que d’un faible secours au négociateur français. Voici dans quelles limites les alliés crurent devoir restreindre l’exercice de leurs droits de vainqueurs, pour ne point soulever la France.

Le traité du 30 mai 1814 était annulé dans toutes ses dispositions avantageuses à la France, confirmé dans toutes ses clauses onéreuses. Indépendamment des parties de territoire, que lui avait garanties ce traité et que lui enlevait le traité nouveau (puisque les limites de la France de 1790 formaient la base des négociations de 1815, tandis que les stipulations de 1814 lui reconnaissaient ses frontières de 1792 et même au-delà), elle perdait Landau, Sarrelouis, Philippeville, Mariembourg dont les rayons recevaient une grande extension ; une partie du pays de Gex était cédée à la république helvétique ; la suzeraineté de la principauté de Monaco était transférée au roi de Sardaigne, les fortifications d’Huningue étaient démolies et aucune place forte ne devait être élevée à l’avenir, à moins de trois lieues de la ville de Bâle.

La France devait payer, en cinq ans, aux alliés, la somme de sept-cents millions ; de plus, elle devait s’engager à payer aux sujets des diverses puissances, en indemnité des pertes éprouvées par suite des occupations françaises, depuis la Révolution de 1789, telles sommes qu’il serait postérieurement- stipulé par des négociations particulières avec chaque état. Les indemnités demandées formèrent le total effrayant de 735 millions. Un corps de troupes alliées de cent cinquante mille hommes devait occuper les places fortes des départements du Pas-de-Calais, du Nord, des Ardennes, de la Meuse, de la Moselle, du Bas-Rhin, et du Haut-Rhin ; indépendamment de prestations en nature, largement mesurées, la France devait payer pour la solde, l’équipement et l’entretien de ces troupes, la somme annuelle de cinquante millions. Le maximum de la durée de l’occupation était fixé à cinq années ; le minimum, tout à fait éventuel, à trois années.

« Tout est consommé, écrivait de Richelieu, le 21 novembre, j’ai apposé hier plus mort que vif, mon nom à ce fatal traité. J’avais juré de ne pas le faire ; je l’avais dit au roi ; ce malheureux prince m’a conjuré, en fondant en larmes, de ne pas l’abandonner, et de ce moment je n’ai plus hésité ; j’ai la confiance de croire que sur ce point personne n’aurait mieux fait que moi, et la France expirante sous le poids qui l’accable réclamait impérieusement une prompte délivrance ; elle commencera dès demain, au moins à ce qu’on m’assure, et s’opérera successivement et promptement. »

Il fallait que la France, occupée militairement par 800 000 soldats, sortît immédiatement, et à tout prix, sous peine de périr, de sa position. Elle n’en pouvait sortir que par la guerre, ou par la paix. Si les étrangers devaient s’effrayer d’une reprise d’armes, la France avait au moins autant à la redouter. Epuisée par sa dernière lutte, désunie, divisée, flottante dans ses affections politiques, peu confiante dans son gouvernement, et déjà envahie par 800 000 ennemis, elle ne pouvait recommencer la guerre qu’à la dernière extrémité.

Il lui fallait donc subir la paix, et cette nécessité urgente de traiter la mettait à la merci des étrangers. Selon l’heureuse expression d’un homme d’état, il y avait entre la France (réduite à préférer une paix tolérable à une guerre effrayante) et les alliés, absence d’un juge commun : c’était la force d’un côté, l’impuissance de l’autre.

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